Bien que les portées acoustiques en eaux profondes soient préférables pour les mesures normalisées du bruit des navires, elles sont moins accessibles que celles en eaux peu profondes.
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Les navires se déplacent à différentes profondeurs et dans différentes conditions océanographiques, mais la plupart des mesures du bruit ont été effectuées à ce jour à des portées acoustiques en eaux profondes. L’Organisation internationale de normalisation (ISO), entre autres, a élaboré des normes pour mesurer le bruit rayonné sous-marin produit par les navires à diverses portées acoustiques. Ces portées peuvent se situer dans des eaux de 30 m (~100 pieds) ou plus. Les normes garantissent que les méthodes de mesure du bruit des navires sont cohérentes et correctement interprétées. Le comportement du bruit sous-marin produit par les navires en eaux peu profondes est moins bien connu, mais il est différent de celui en eaux profondes. Le bruit généré dans les eaux peu profondes interagit davantage avec le fond et la surface de la mer.
Ces interactions créent des conditions dans lesquelles les niveaux réels de la source du navire ne sont pas directement reflétés dans les mesures. Les portées acoustiques en eaux profondes subissent moins d’interactions avec le fond marin et sont plus adaptées à la télémétrie acoustique. Toutefois, ces portées sont peu nombreuses et souvent moins accessibles aux armateurs et exploitants qui souhaitent mesurer les émissions sonores sous-marines de leurs navires. Les portées en eaux peu profondes sont généralement situées plus près des ports et d’autres centres d’activité maritime proches du rivage, pour des raisons de commodité d’accès et de facilité d’entretien.
Modélisation, étalonnage et essais de portées acoustiques sous-marines pour des navires plus silencieux
Le projet « Modelling, Calibration and Trials of Underwater Acoustic Ranges Towards Quieter Vessels » (Modélisation, étalonnage et essais de portées acoustiques sous-marines pour des navires plus silencieux) entrepris dans le cadre de l’Initiative pour des navires silencieux par le Laboratoire des systèmes intelligents de Mae Seto, Ph. D., à l’Université Dalhousie, étudie et mesure la manière dont le bruit sous-marin est atténué dans les portées acoustiques en eaux peu profondes. La quantification de cette « perte de transmission » acoustique sous-marine signifie que les mesures recueillies par les hydrophones à partir de sources de bruit acoustique (comme les navires) peuvent être « calibrées » et transformées en une mesure équivalente de portée en eaux profondes.
En concentrant ses efforts sur deux sites représentatifs en eaux peu profondes, l’équipe a quantifié les pertes de transmission à l’aide de mesures sous-marines d’émissions de sources acoustiques calibrées et a noté des dépendances comme la profondeur de l’eau et la période de l’année. La prochaine étape consistait à analyser et à interpréter ces mesures, puis à élaborer des algorithmes et des modèles pour transformer les mesures en eaux peu profondes en leur équivalent en eaux profondes.
Les pertes de transmission mesurées s’appliquent aux deux plans d’eau à partir desquels les mesures ont été effectuées. Les conditions océaniques comme la profondeur, la température, la bathymétrie – la forme et les caractéristiques du fond marin – et la composition du fond marin varient d’un endroit à l’autre et ont une incidence sur la perte de transmission acoustique sous-marine locale. Les modèles et les méthodologies de mesure élaborés par le laboratoire de Mae Seto permettent de quantifier et de qualifier de nouvelles zones acoustiques candidates afin d’améliorer l’accès à de telles installations pour les armateurs et exploitants et de les aider à atténuer ou à gérer le bruit rayonné sous-marin de leurs navires.
Vers une norme pour la mesure du bruit rayonné sous-marin des navires en eaux peu profondes
Une initiative est en cours en vue d’élaborer une nouvelle norme ISO pour la mesure du bruit rayonné sous-marin des navires à des portées acoustiques en eaux peu profondes. JASCO Applied Sciences a lancé le projet Vers une norme pour la mesure du bruit rayonné en eau peu profonde dans le but de contribuer à la discussion et à l’élaboration de cette norme pour les eaux peu profondes. Le projet consistait à mesurer le bruit de plusieurs navires à l’aide de réseaux d’hydrophones spécialisés déployés sur des sites à différentes profondeurs d’eau.
Ces travaux ont confirmé qu’il est possible d’obtenir des mesures reproductibles et fiables du bruit des navires en eaux peu profondes, comparables à celles effectuées en eaux profondes. Les études ont comparé des centaines de mesures effectuées sur les mêmes navires à trois profondeurs d’eau différentes. Les essais en eaux peu profondes ont consisté à placer des hydrophones en ligne sur le fond marin (réseaux de lignes horizontales) dans des eaux d’environ 30 m (100 pieds) de profondeur et à tester deux méthodes d’analyse des mesures du bruit des navires. Les distances horizontales étaient d’au moins 50 m (165 pieds) pour les navires d’une longueur maximale de 50 m – la distance entre l’avant et l’arrière du navire. La distance a été augmentée à au moins une longueur de séparation pour les navires de plus de 50 m.
Le projet a comparé les mesures effectuées en eaux peu profondes avec celles prises par les mêmes navires mais à des profondeurs plus importantes de 70 m et 180 m, qui répondent aux exigences de profondeur des normes de mesure en eaux profondes existantes (ISO 17208-1 et 17208-2). Les résultats ont démontré qu’il est possible d’effectuer des mesures très précises en eaux peu profondes, mais que les méthodes nécessitent une connaissance des propriétés locales du fond marin afin de prendre en compte les sons réfléchis par celui-ci.
HyDrone : Une méthode portative
Bien que le nombre de portées acoustiques disponibles pour mesurer le bruit des navires augmente, elles sont peu nombreuses. Il n’est pas toujours possible pour les navires de dévier de leur trajectoire habituelle ou de prendre le temps nécessaire pour passer au-dessus d’une portée acoustique permanente. Une solution consiste à créer des portées mobiles. C’est l’approche adoptée par BPE Technologies Inc. dans le cadre du projet « HyDrone: A Novel Underwater Radiated Noise Measurement Method Using a Waterproof Aerial Drone with Hydrophone » (L’HyDrone : Une nouvelle méthode de mesure du bruit rayonné sous-marin à l’aide d’un drone aérien étanche muni d’un hydrophone).
L’HyDrone est conçu pour offrir des mesures mobiles et faciles à réaliser du bruit rayonné sous-marin de la cavitation des hélices – l’une des sources les plus importantes de bruit sous-marin des navires. Il se compose d’un drone quadrirotor étanche téléguidé, d’un GPS, d’un hydrophone attaché à une corde pour mesurer le bruit et de deux caméras permettant aux pilotes de l’HyDrone d’observer les hélices du navire dans l’eau. Les pilotes peuvent lancer l’HyDrone depuis leur navire, le placer dans l’eau à une distance maximale de 5 km, arrêter ses moteurs et prendre des mesures du bruit produit par le navire.
L’HyDrone peut être déployé rapidement (environ cinq minutes) et fréquemment, ce qui permet aux pilotes de prendre des mesures à plusieurs distances et à différents moments de la journée pour tenir compte des différentes conditions et des différents endroits lorsque le navire se déplace. Les installations mobiles plus conventionnelles, qui comprennent un réseau d’hydrophones attachés à une bouée de surface et à un bateau auxiliaire, peuvent prendre quatre à cinq heures pour être déployées.
Comme pour l’approche du bateau auxiliaire, des facteurs comme les conditions de vent et de vagues doivent être pris en compte lors du déploiement de l’HyDrone. Les raisons sont doubles : 1) les limites opérationnelles du drone lui-même et 2) éviter trop d’interférences sonores qui peuvent réduire la qualité des données recueillies. Dans l’ensemble, la précision des mesures de l’HyDrone était comparable à celle des mesures prises par le bateau auxiliaire.
La mise au point de l’HyDrone se poursuit en vue de concevoir un outil de surveillance du milieu marin rentable et facile à utiliser.
Cet article fait partie d’une série de cinq articles sur la technologie de détection et d’analyse du bruit sous-marin des navires.
Pour en savoir plus sur les nouvelles découvertes et les défis à relever pour rendre les navires plus silencieux, consultez les autres sujets de cette série ici.
L’Initiative pour des navires silencieux est financée par le gouvernement fédéral par l’intermédiaire de Transports Canada. Les partenaires industriels et les chercheurs intéressés par d’éventuelles collaborations en matière de recherche et de développement afin de faire progresser les solutions novatrices dans le domaine de la technologie marine sont invités à contacter l’équipe de l’Initiative pour des navires silencieux à l’adresse suivante : Marine-RDD-maritime@tc.gc.ca.
Conditions océanographiques : Caractéristiques physiques et chimiques de l’océan qui varient dans l’espace et dans le temps. Elles comprennent des facteurs comme la température, la salinité, les courants, les vagues, les marées, la concentration et l’épaisseur de la glace et les vents de surface.
Bruit sous-marin : Bruit généré sous l’eau par l’activité humaine dans l’environnement océanique. Diverses industries contribuent au bruit sous-marin : la production énergétique extracôtière, les travaux de construction, les opérations militaires et, bien sûr, le trafic maritime. Le bruit généré par les navires est appelé bruit rayonné sous-marin.
Hydrophone : Microphone sous-marin qui peut être déployé individuellement ou en groupe. Les groupes d’hydrophones peuvent être disposés horizontalement sur le fond marin ou verticalement à différentes profondeurs de la colonne d’eau. Les hydrophones détectent les variations de pression dans l’eau causées par les ondes sonores. Ces capteurs convertissent les fluctuations de pression sous-marine en signaux électriques, qui peuvent ensuite être analysés pour déterminer les propriétés du son, comme le volume et la fréquence.
Algorithme : Processus ou ensemble de règles à suivre dans les calculs ou autres opérations de résolution de problèmes, en particulier par un ordinateur. Les algorithmes agissent comme une liste exacte d’instructions qui exécutent des mesures précisées étape par étape dans le cadre de routines matérielles ou logicielles.
Cavitation : est un changement de phase du liquide à la vapeur, comme l’ébullition, mais causé par un changement de pression plutôt que par un changement de température. Lorsque des zones de pression suffisamment basse sont générées dans l’eau, des bulles de vapeur se forment. Lorsque les bulles de vapeur quittent la zone de basse pression, elles s’effondrent (implosent). Les différences de pression étant généralement importantes, l’effondrement des bulles de cavitation est très puissant et bruyant. D’autres facteurs liés au navire, tels que la conception de la coque, influencent également la cavitation.
Des mesures ont montré que la cavitation des hélices est plus fréquente à des vitesses plus élevées en raison des charges plus importantes exercées sur les pales de l’hélice. La cavitation peut également se produire lorsque les pales de l’hélice sont mal alignées ou endommagées. En plus de produire beaucoup de bruit, les bulles de cavitation peuvent endommager ou dégrader les surfaces métalliques telles que les hélices, réduisant ainsi leurs performances et leur efficacité.