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Épuration des gaz d’échappement des navires (épurateurs) : lumière sur la controverse

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Bien que les épurateurs éliminent efficacement les oxydes de soufre des gaz d’échappement des navires, les incidences environnementales de leurs eaux usées de même que la manière dont ils sont gérés et réglementés, suscitent la controverse.

Communément appelés épurateurs, les systèmes d’épuration des gaz d’échappement sont une technologie relativement simple conçue pour éliminer les oxydes de soufre des gaz d’échappement des moteurs des navires. Les épurateurs sont toutefois au centre d’une controverse qui les accuse de poser une menace à la vie marine, de contribuer à l’acidification des océans et d’être complices d’un « sale secret » dans l’industrie du transport maritime.

Dans le cadre de son mandat visant à fournir les faits concernant le transport maritime responsable et à démystifier les enjeux complexes en la matière, Clear Seas a réalisé une étude sur les niveaux de pollution dans les eaux usées des épurateurs. L’équipe de recherche a exploré les principales préoccupations liées aux eaux usées provenant des épurateurs, notamment les niveaux de métaux lourds et d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) (qui résultent de la combustion du pétrole et du gaz), les répercussions locales potentielles des rejets acides des épurateurs de même que les incertitudes relatives aux évaluations de ces eaux usées.

Les résultats de l’étude de Clear Seas appuient les conclusions des décideurs et des organismes de réglementation locaux qui limitent les rejets provenant des épurateurs dans les eaux confinées comme les estuaires, les ports et les zones de mouillage. Le présent article aborde certaines des questions au cœur de la controverse entourant l’utilisation d’épurateurs par les navires commerciaux et y répond de manière franche. Le rapport complet et les faits saillants de l’étude sont disponibles ici .

Que sont les épurateurs et pourquoi suscitent-ils des inquiétudes?

Depuis 2005, l’industrie mondiale du transport maritime s’efforce de réduire les émissions de soufre provenant des navires commerciaux afin d’améliorer la qualité de l’air et de réduire les effets de la pollution sur la santé, comme les maladies cardiaques et pulmonaires; l’objectif étant de limiter la quantité de soufre autorisée dans le carburant des navires. La plus récente réglementation sur le soufre, établie par l’Organisation maritime internationale (OMI) en 2020, autorise une teneur en soufre maximale de 0,5 % dans le carburant marin, pour les navires exploités à travers le monde. Pour satisfaire à cette exigence, les navires ont le choix de passer à un type de carburant à faible teneur en soufre – qui peut être jusqu’à 50 % plus dispendieux que le mazout lourd classique1 – ou d’installer un épurateur.

Les épurateurs sont une solution approuvée et réglementée par l’OMI. Ils utilisent de l’eau – douce ou de mer – pour « laver » les gaz d’échappement des moteurs et en éliminer les oxydes de soufre (SOx). Malheureusement, les gaz d’échappement des moteurs des navires brûlant des carburants fossiles contiennent également des métaux lourds et des HAP, qui sont captés par les épurateurs en même temps que le soufre. Mais qu’advient-il des eaux de lavage provenant des épurateurs et des polluants qu’elles contiennent? C’est là que réside le problème. Selon le type d’épurateur2 et la manière dont il est opéré, les eaux usées peuvent être rejetées dans le milieu marin, déplaçant ainsi la pollution de l’air vers l’eau.

Les groupes de défense de l’environnement craignent que les épurateurs en circuit ouvert, qui rejettent continuellement l’eau de lavage « usée » et ses polluants dans la mer, réduisent la qualité de l’eau. Ils ont demandé l’interdiction de l’utilisation des épurateurs dans la zone économique exclusive du Canada, qui s’étend à 200 milles nautiques de la côte.3, 4 À l’inverse, des études indépendantes commandées par le secteur des croisières et des traversiers ont conclu que l’incidence des rejets provenant des épurateurs en circuit ouvert sur les eaux portuaires est faible par rapport aux normes de qualité de l’environnement5 et que leur utilisation est un moyen sûr et efficace de se conformer aux exigences de la limite de soufre établie par l’OMI.6

Comment les épurateurs sont-ils réglementés?

Afin d’atténuer et de surveiller les répercussions des systèmes d’épuration des gaz d’échappement sur l’environnement, l’OMI a établi des directives qui précisent les exigences en matière d’essai, de contrôle, de certification et de vérification des épurateurs pour les navires utilisant ces systèmes [MEPC.259(68)].7 La réglementation de l’OMI sur la teneur en soufre permise dans le carburant marin précise que tout épurateur installé (ou moyen équivalent) doit être au moins aussi efficace pour réduire la quantité de soufre émise par les navires que l’utilisation de carburants à faible teneur en soufre. Les directives sur les épurateurs fixent également des exigences concernant la qualité de l’eau de lavage rejetée par les navires équipés d’épurateurs.8

Certains pays ont interdit l’utilisation d’épurateurs – ou du moins le rejet d’eaux de lavage dans leurs eaux territoriales (qui s’étendent sur 12 milles nautiques à partir du rivage) – en raison de l’incertitude entourant leurs incidences sur l’environnement marin. Une approche plus courante semble être de limiter les rejets dans les ports et les eaux confinées. En effet, de plus en plus de ports à travers monde limitent l’utilisation d’épurateurs en circuit ouvert ou le rejet des eaux de lavage des épurateurs dans leurs territoires. Les ports canadiens de Vancouver9 et Sept-Îles10 en font partie.

Comment les épurateurs influencent-ils l’environnement?

Que ce soit par l’entremise d’un carburant à faible teneur en soufre ou d’un épurateur, toute réduction des émissions semble être une victoire pour l’environnement. Mais l’utilisation croissante des épurateurs a soulevé un débat sur les avantages nets obtenus en réduisant les émissions de SOx par le rejet d’eaux de lavage dans l’environnement marin, un compromis entre la qualité de l’air et de l’eau. Une évaluation complète de l’incidence des épurateurs ne peut se concentrer uniquement sur les émissions et la pollution atmosphériques. Elle doit également tenir compte des effets associés au rejet des eaux de lavage des épurateurs dans le milieu marin.

Lorsqu’il s’agit d’atteindre leur objectif premier, qui est de réduire la pollution atmosphérique due au soufre provenant des navires, les épurateurs se sont révélés efficaces, voire plus efficaces que la combustion de carburant ayant la plus faible teneur en soufre.11 Cependant, si l’objectif de l’épuration est d’éliminer le SOx, d’autres éléments viennent s’y ajouter. Les eaux de lavage des épurateurs absorbent d’autres substances potentiellement polluantes contenues dans les gaz d’échappement, qu’il s’agisse de composants non brûlés du carburant ou de sous-produits de combustion. Le rejet d’eau contenant des métaux lourds et des HAP dans des eaux confinées ou riveraines, comme les ports et les zones de mouillage, est particulièrement préoccupant. L’eau rejetée par les épurateurs est également acide, ce qui peut avoir des effets négatifs sur la chimie des océans (notamment sur le pH) et sur la vie marine.

Qu’adviendra-t-il de l’utilisation des épurateurs dans l’avenir?

En investissant dans des épurateurs qui permettent aux navires de continuer de brûler du mazout lourd plutôt que des carburants à faible teneur en soufre plus coûteux, les compagnies maritimes peuvent réaliser d’importantes économies. Mais le coût réel du rejet d’eaux de lavage potentiellement polluées dans le milieu marin est-il correctement pris en compte dans l’analyse de rentabilité? Les restrictions relatives à l’utilisation des épurateurs à proximité des côtes commenceront à réduire ces économies, mais seulement dans une faible mesure. Avec l’incertitude entourant l’approvisionnement énergétique qui règne à l’échelle mondiale et qui fait grimper le prix des carburants marins, l’utilisation d’épurateurs pour maintenir le coût du transport maritime relativement bas tout en luttant contre la pollution atmosphérique semble devoir se poursuivre.

Participez à la conversation sur les épurateurs

Vous avez une question sur les épurateurs et leurs effets sur l’océan et l’environnement? Nous vous invitons à la soumettre à info@clearseas.org et nous ferons de notre mieux pour y répondre.

Références

1 La différence de prix entre le mazout lourd à haute teneur en soufre et les carburants à faible teneur en soufre fluctue quotidiennement en fonction des cours mondiaux du pétrole. Pour plus de renseignements, cliquez ici.
2 Il existe trois types d’épurateurs : les épurateurs en circuit ouvert, les épurateurs en circuit fermé et les épurateurs hybrides qui peuvent fonctionner en mode circuit ouvert ou circuit fermé. Les épurateurs en circuit ouvert prélèvent continuellement de l’eau de mer dans les eaux où navigue le navire et rejettent continuellement l’eau de lavage « usée » dans la mer sous forme d’effluent. Contrairement aux systèmes en circuit ouvert, les épurateurs en circuit fermé font recirculer l’eau de lavage et seul un petit volume est évacué et traité pour éliminer les solides en suspension. Cette eau de purge peut être conservée à bord ou rejetée comme effluent.
3 Le Conseil international pour un transport propre. (2019). Rapport de consultation : A whale of a problem? Heavy Fuel Oil, Exhaust Gas Cleaning Systems, and Bristish Columbia Resident Killer Whales.
4 WWF. (2020). Le problème des épurateurs, ou quand la « solution » aux émissions atmosphériques crée une nouvelle forme de pollution.
5 Sous-comité de l’OMI sur la prévention et la lutte contre la pollution. (2019). PPR 7/INF.18. EGCS washwater discharges and accumulation levels in port water and sediment. Soumis par CLIA et Interferry.
6 Carnival Corporation et PLC et DNV-GL. (2019). Compilation and Assessment of Lab Samples from EGCS Washwater discharge on Carnival ships.
7 MEPC.259(68). (2015). Guidelines for Exhaust Gas Cleaning System.
8 Les directives actuelles de l’OMI spécifient des critères de rejet pour quatre paramètres : le pH, les HAP totaux, la turbidité et les nitrates, mais ne stipulent pas de limites de rejet pour les métaux lourds et les HAP individuels.
9 Port de Vancouver. (2022). Entrée en vigueur des restrictions sur le rejet des eaux de lavage par les épurateurs des navires.
10 Conseil international pour un transport propre. (2021). Will we soon B.C.-ing a Scrubber Discharge Ban in Vancouver?
11 Comer, B., Elise Georgeff et Liudmila Osipova. (2020). Air emissions and water pollution discharges from ships with scrubbers. Conseil international pour un transport propre (ICCT).

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