La surveillance du bruit à bord, à l’aide de capteurs placés directement sur le navire, offre des avantages tels que la collecte de données en temps réel pendant les opérations normales.
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Plutôt que d’avoir recours à des portées acoustiques, une autre approche de la mesure du bruit consiste à placer des capteurs de pression directement sur le navire. Bien que la surveillance à bord ne permette pas de comparer les mesures entre différents navires sans analyse supplémentaire, elle offre plusieurs avantages, notamment l’accès aux mesures du niveau de bruit sans avoir à se rendre dans une portée acoustique, ainsi que la surveillance en temps réel et en continu du bruit pendant les activités normales du navire.
Surveillance des hélices
Les hélices – et en particulier la cavitation des hélices – étant une source importante de bruit sous-marin, plusieurs des projets entrepris dans le cadre de l’INS concentraient leurs efforts de surveillance sur la détection de la cavitation.
Enregistrement continu des émissions sonores sous-marines (CLUE)
Un outil de surveillance en temps réel mis au point dans le cadre d’une initiative conjointe entre DNV et ABB – le projet « Continuous Logging of Underwater Noise Emissions (CLUE) » (Enregistrement continu des émissions sonores sous-marines) – a été testé sur un navire de croisière de la Royal Caribbean Cruise Lines. Le navire en question est doté de trois propulseurs azimutaux. Ces systèmes de propulsion abritent un moteur électrique dans une nacelle placée à l’extérieur du navire. Ils peuvent pivoter sur 360 degrés, ce qui confère aux navires une grande manœuvrabilité. Des capteurs de pression ont été installés à travers la coque au-dessus des hélices pour capter le bruit de cavitation. Des mesures de bruit provenant d’hydrophones externes ont également été recueillies pour calibrer les mesures et confirmer que les capteurs peuvent estimer avec précision le bruit rayonné sous-marin.
Faisabilité de la surveillance et de la gestion en temps réel de la cavitation à bord
Le projet de JASCO Applied Sciences, « Feasibility of Real-Time Shipboard Cavitation Monitoring and Management » (Faisabilité de la surveillance et de la gestion en temps réel de la cavitation à bord des navires), s’est concentré sur la prévision de la vitesse à laquelle la cavitation de l’hélice se produit pour un navire donné. En théorie, si on peut déterminer cette vitesse, les exploitants de navires peuvent réduire les niveaux de bruit dans les zones sensibles en descendant en dessous de cette vitesse. En travaillant avec un vraquier de Canada Steamship Lines, les chercheurs ont utilisé des mesures provenant de capteurs de pression à bord placés à l’intérieur et à l’extérieur de la coque près de l’hélice, ainsi que des mesures d’hydrophones, pour élaborer un algorithme de détection de la cavitation.
Si le système a réussi à détecter l’apparition de la cavitation, il n’a pas été en mesure de prédire à quelle vitesse elle se produirait. Le projet a également mis en évidence un autre problème. Pour ce navire particulier, la cavitation a commencé à des vitesses de seulement six nœuds. Du point de vue de la sécurité, naviguer à une vitesse aussi faible ne permet pas d’effectuer des manœuvres efficaces. Le troisième article de cette série – Petits et grands navires au fonctionnement plus silencieux – examine plus en détail les changements de comportement opérationnels réalisables.
Système de surveillance du bruit des hélices hydrodynamiques (HyPNoS)
En collaboration avec BC Ferries, le Système de surveillance du bruit des hélices hydrodynamiques (HyPNoS) de Schottel a cherché à mettre au point un prototype de système de surveillance axé sur les vibrations de la coque au-dessus de l’hélice. Les vibrations de la coque au-dessus du système de propulsion peuvent refléter les variations de bruit liées à l’exploitation, à l’environnement et à l’usure de l’hélice. Il est important de capter ce type de bruit car la conception du navire – l’emplacement du gouvernail et la forme de la coque, par exemple – influe sur le bruit du système de propulsion. Les conditions d’exploitation, comme la vitesse du navire, l’angle du gouvernail, les activités en eaux peu profondes et le niveau d’encrassement biologique, peuvent également modifier le niveau de bruit du système de propulsion.
Schottel a utilisé les mesures prises par un système permanent de capteurs embarqués en temps réel pour élaborer et former un algorithme prêt pour l’IA afin d’estimer le bruit rayonné sous l’eau. Les mesures des capteurs ont été comparées aux données des hydrophones afin d’établir une corrélation entre les vibrations à bord et le bruit rayonné sous-marin mesuré à l’extérieur. Une fois que l’algorithme a disposé de suffisamment de données (en mesurant les niveaux de bruit de deux types d’hélice – l’hélice d’origine et une hélice plus silencieuse – à différentes vitesses sur l’un des traversiers), il a été en mesure d’estimer le bruit sous-marin sur la base des vibrations, sans qu’il soit nécessaire d’utiliser des hydrophones pour quantifier le bruit sous-marin. L’équipe a l’intention d’améliorer l’algorithme en y intégrant d’autres mesures, comme l’emplacement et la direction du navire, le réglage du pas de l’hélice et la vitesse de rotation (qui détermine la distance parcourue dans l’eau par l’hélice en une seule rotation), la profondeur de l’eau et la vitesse du navire.
Rapport sur les relations entre les mesures de bruit, de vibrations et de bruit rayonné sous-marin
AllSalt Maritime a également travaillé avec BC Ferries pour élaborer un prototype de système de surveillance axé sur l’apprentissage machine. Ce projet, intitulé « Report on Relationships Between Noise, Vibration, and URN Measurements » (Rapport sur les relations entre les mesures de bruit, de vibrations et de bruit rayonné sous-marin), s’est déroulé en deux phases. La première consistait à prendre des mesures à différents endroits, comme la salle des machines et les compartiments d’appareil à gouverner, afin de déterminer la source de bruit dominante. La seconde phase s’est concentrée sur cette source de bruit dominante – dans ce cas, la salle des machines du moteur principal. Les mesures de bruit recueillies par les capteurs embarqués et les hydrophones externes ont permis de calibrer le modèle d’apprentissage machine utilisé pour estimer les niveaux de bruit rayonné sous-marin. Le projet visait également à mesurer la relation entre le bruit rayonné sous-marin et l’efficacité opérationnelle du navire, mais les données n’étaient pas adaptées à cette fin.
Atténuation du bruit rayonné des petites embarcations grâce à la surveillance basée sur l’état
Alors que les projets susmentionnés se concentraient sur l’évaluation de la surveillance du bruit à bord de grands navires de la Royal Caribbean Cruise Lines, de Canada Steamship Lines et de BC Ferries, le projet de Lloyd’s Register intitulé « Mitigation of Radiated Noise of Small Marine Craft using Condition-Based Monitoring » (Atténuation du bruit rayonné des petites embarcations marines grâce à la surveillance basée sur l’état) s’est intéressé aux petits bateaux de pêche, en particulier ceux de type « Cape Islander », qui sont principalement utilisés par les pêcheurs de homard.
Bien que ces navires soient mécaniquement et structurellement simples, l’espace à bord est limité. De même, les pêcheurs peuvent disposer de moyens financiers limités pour installer des systèmes de surveillance. Pour répondre à ces besoins, le projet a créé un système prototype utilisant un ordinateur Raspberry PI, un accéléromètre placé sur la coque au-dessus de l’hélice et un tachymètre pour mesurer le régime (tours par minute) de l’hélice. En combinant les mesures de ces capteurs avec la saison, l’année de construction du navire et la puissance du moteur, le système a pu détecter la cavitation avec succès et estimer le niveau de bruit rayonné sous-marin qu’émet le navire en fonction de ses conditions opérationnelles à ce moment-là.
Cet article fait partie d’une série de cinq articles sur la technologie de détection et d’analyse du bruit sous-marin des navires.
Pour en savoir plus sur les nouvelles découvertes et les défis à relever pour rendre les navires plus silencieux, consultez les autres sujets de cette série ici.
L’Initiative pour des navires silencieux est financée par le gouvernement fédéral par l’intermédiaire de Transports Canada. Les partenaires industriels et les chercheurs intéressés par d’éventuelles collaborations en matière de recherche et de développement afin de faire progresser les solutions novatrices dans le domaine de la technologie marine sont invités à contacter l’équipe de l’Initiative pour des navires silencieux à l’adresse suivante : Marine-RDD-maritime@tc.gc.ca.
Cavitation : Un changement de phase du liquide à la vapeur, comme l’ébullition, mais causé par un changement de pression plutôt que par un changement de température. Lorsque des zones de pression suffisamment basse sont générées dans l’eau, des bulles de vapeur se forment. Lorsque les bulles de vapeur quittent la zone de basse pression, elles s’effondrent (implosent). Les différences de pression étant généralement importantes, l’effondrement des bulles de cavitation est très puissant et bruyant. D’autres facteurs liés au navire, tels que la conception de la coque, influencent également la cavitation.
Des mesures ont montré que la cavitation des hélices est plus fréquente à des vitesses plus élevées en raison des charges plus importantes exercées sur les pales de l’hélice. La cavitation peut également se produire lorsque les pales de l’hélice sont mal alignées ou endommagées. En plus de produire beaucoup de bruit, les bulles de cavitation peuvent endommager ou dégrader les surfaces métalliques telles que les hélices, réduisant ainsi leurs performances et leur efficacité.
Bruit sous-marin : Bruit généré sous l’eau par l’activité humaine dans l’environnement océanique. Diverses industries contribuent au bruit sous-marin : la production énergétique extracôtière, les travaux de construction, les opérations militaires et, bien sûr, le trafic maritime. Le bruit généré par les navires est appelé bruit rayonné sous-marin.
Propulseur azimutal : Configuration d’hélices marines placées dans des nacelles qui peuvent être tournées à n’importe quel angle horizontal (azimut), ce qui rend le gouvernail superflu. Ce système de propulsion offre aux navires une meilleure manœuvrabilité qu’un système fixe d’hélice et de gouvernail. Un système de propulsion Azipod® est essentiellement un propulseur azimutal dont le moteur électrique est contenu dans la nacelle elle-même, sous la surface de l’eau. Comme le moteur électrique de la nacelle est dans l’eau, il peut contribuer de manière significative au bruit sous-marin. Toutefois, un propulseur azimutal est généralement entraîné par un moteur électrique, un moteur diesel ou un moteur hydraulique installé à l’intérieur du navire et non dans la nacelle.
Hydrophone : Microphone sous-marin qui peut être déployé individuellement ou en groupe. Les groupes d’hydrophones peuvent être disposés horizontalement sur le fond marin ou verticalement à différentes profondeurs de la colonne d’eau. Les hydrophones détectent les variations de pression dans l’eau causées par les ondes sonores. Ces capteurs convertissent les fluctuations de pression sous-marine en signaux électriques, qui peuvent ensuite être analysés pour déterminer les propriétés du son, comme le volume et la fréquence.
Pas de l’hélice : Distance parcourue par une hélice dans l’eau en une révolution. Une augmentation du pas permet à l’hélice de s’accrocher à une plus grande quantité d’eau, tandis qu’une diminution du pas réduit l’adhérence à l’eau.
Modèle d’apprentissage machine : Mise au point et utilisation de systèmes informatiques capables d’apprendre et de s’adapter sans suivre d’instructions explicites, en utilisant des algorithmes et des modèles statistiques pour analyser et tirer des conclusions à partir de modèles de données.
Accéléromètre : Appareil qui mesure la vibration ou l’accélération du mouvement d’une structure. La force causée par la vibration ou un changement de mouvement (accélération) fait que la masse « écrase » le matériau piézoélectrique qui produit une charge électrique proportionnelle à la force exercée sur lui. Étant donné que la charge est proportionnelle à la force et que la masse est constante, la charge est également proportionnelle à l’accélération. Ces capteurs sont utilisés de diverses manières, depuis les stations spatiales jusqu’aux appareils portables comme les téléphones intelligents.
Tachymètre : Instrument qui mesure la vitesse de rotation d’un arbre ou d’un disque, comme dans un moteur ou une autre machine. L’appareil affiche généralement le nombre de tours par minute (tr/min).
Algorithme : Processus ou ensemble de règles à suivre dans les calculs ou autres opérations de résolution de problèmes, en particulier par un ordinateur. Les algorithmes agissent comme une liste exacte d’instructions qui exécutent des mesures précisées étape par étape dans le cadre de routines matérielles ou logicielles.