Comment la pollution atmosphérique due au transport maritime accélère-t-elle le changement climatique dans l’Arctique et comment y remédier?
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Un nombre croissant de navires dans les eaux arctiques, attirés par l’espoir de routes plus rapides et plus directes entre les océans Pacifique et Atlantique, représente une menace pour la région et le monde, en raison d’un phénomène mal compris.
Des particules de suie presque invisibles provenant des gaz d’échappement des moteurs – le noir de carbone – dérivent du ciel sur la glace et la neige polaires. Ces gaz d’échappement sont produits par des navires commerciaux naviguant localement ainsi que par des navires et d’autres sources1 situés à des milliers de kilomètres. Lorsque ce sous-produit de combustion s’accumule sur la glace et la neige polaires, celles-ci noircissent, se réchauffent et fondent. S’il n’est pas maîtrisé, ce phénomène présente un risque grave non seulement pour l’environnement arctique et tous ceux qui en dépendent pour vivre, mais aussi pour la planète entière en raison de l’accélération des changements climatiques et de l’augmentation des températures à l’échelle mondiale.
Les émissions de noir de carbone provenant des navires ont augmenté dix fois plus vite dans l’Arctique que dans le reste du monde. Entre 2015 et 2019, le noir de carbone émis par les navires a connu une augmentation de 85 % dans l’Arctique, contre une augmentation de 8 % à l’échelle mondiale.2 Cependant, le noir de carbone n’a pas encore été pris en compte par les réglementations internationales ou nationales sur le changement climatique et les scientifiques s’efforcent toujours de comprendre ses effets nocifs potentiels dans l’Arctique et dans le système climatique mondial.
Naviguer dans les eaux nordiques relativement inexplorées du Canada et trouver des moyens de limiter ou d’éliminer les sources de noir de carbone demandera du travail. Ce travail important commence par la compréhension des propriétés du noir de carbone, de son comportement dans les conditions arctiques et de la façon dont l’industrie du transport maritime peut réduire ses émissions d’un polluant atmosphérique qui menace à la fois les individus et l’environnement dans l’Arctique.
Cet article vise à démystifier les complexités du noir de carbone en tant que polluant climatique et à éclairer les politiques destinées à protéger et à soutenir les communautés, les économies et l’environnement de l’Arctique canadien.
Qu’est-ce que le noir de carbone et pourquoi est-ce un problème?
Le noir de carbone est un aérosol à base de carbone produit par la combustion incomplète de combustibles fossiles, de biocarburants et de biomasse.3 Composant des particules fines (PM2.5)4, le noir de carbone absorbe la lumière et la chaleur. Il est classé dans la catégorie des polluants climatiques de courte durée de vie (PCDV), c’est-à-dire qu’il existe moins longtemps que le dioxyde de carbone (CO2) une fois libéré dans l’atmosphère – généralement quelques jours ou quelques semaines. Après le CO2, le noir de carbone constitue le deuxième contributeur le plus important en matière de réchauffement climatique, mais son effet est une variante complexe de la théorie traditionnelle de l’effet de serre que plusieurs connaissent.
Imaginez que vous portez une chemise noire ou blanche en été; le tissu sombre absorbe l’énergie du soleil – ce qui vous donne plus chaud – tandis que le blanc la reflète. De même, la glace et la neige renvoient la chaleur du soleil vers l’atmosphère, tandis que les surfaces plus sombres absorbent les rayons du soleil. C’est ce qu’on appelle l’effet albédo. C’est exactement ce que font les particules de noir de carbone : elles absorbent le rayonnement solaire et réchauffent ce qui les entoure, faisant fondre la glace et exposant l’eau de mer ou la terre plus sombre en dessous. Cela peut conduire à un cercle vicieux de réchauffement et de fonte qui s’aggrave avec le temps.
Toutefois, dans certaines conditions, le noir de carbone peut avoir un effet refroidissant. Les particules de noir de carbone émises à des niveaux élevés de l’atmosphère – comme par les avions (connues sous le nom de matières particulaires non volatiles dans l’industrie aéronautique) – interfèrent avec la formation des nuages et, selon les conditions météorologiques et la position des nuages, peuvent stabiliser une couche d’air au-dessus des nuages. Ces nuages bloquent ou dispersent la lumière du soleil et protègent ainsi la surface sous-jacente contre le réchauffement.5 Les particules elles-mêmes peuvent également réfléchir le rayonnement solaire. Cependant, les scientifiques ont constaté que les effets de réchauffement du noir de carbone l’emportent sur ses effets de refroidissement, ce qui crée un problème.
Quelles sont les répercussions du noir de carbone dans l’Arctique?
L’effet du noir de carbone est complexe, car les particules émises en dehors de l’Arctique et transportées dans la région par les systèmes météorologiques peuvent interagir avec la formation des nuages, ayant d’abord un effet de refroidissement. Le noir de carbone absorbe ensuite l’énergie solaire et réchauffe l’atmosphère en flottant dans l’air. Certaines de ces particules en suspension finissent par se poser sur la glace ou la neige.
En raison des paysages enneigés et des vastes toundras et étendues de glace de mer qui s’y trouvent, les conditions dans l’Arctique canadien sont particulièrement sensibles aux effets du noir de carbone. Lorsque les particules de noir de carbone
se déposent sur la glace ou la neige, elles modifient la couleur de la surface et sa capacité à réfléchir la lumière (albédo). Cette réduction de l’albédo est l’une des raisons pour lesquelles l’Arctique se réchauffe au moins deux fois plus rapidement que le reste du globe.6
Désormais recouverte d’une couche de noir de carbone, la surface de la glace ou de la neige absorbe davantage l’énergie radiante du soleil, ce qui accélère la fonte. Cette incidence directe sur le réchauffement s’ajoute au réchauffement atmosphérique créé par les particules flottantes de noir de carbone.7 Lorsque la glace qui se réchauffe fond, elle expose de l’eau – dont la surface plus sombre absorbe davantage l’énergie thermique du soleil – accélérant ainsi le processus de réchauffement.
Dans l’Arctique, les effets de réchauffement du noir de carbone l’emportent sur les effets de refroidissement des particules de la haute atmosphère, car la majorité des particules de noir de carbone sont émises par des sources situées au niveau de la mer dans la région, comme les navires qui naviguent à proximité des glaciers, des côtes enneigées ou des glaces de mer.8
Quelle incidence a le noir de carbone sur la santé humaine?
Le réchauffement climatique n’est pas la seule répercussion préoccupante du noir de carbone dans l’Arctique. Malgré sa courte durée de vie dans l’atmosphère,9 le noir de carbone a des effets néfastes sur la santé humaine. Il contribue notamment aux maladies cardiaques, circulatoires et respiratoires. L’étude réalisée en 2012 par le Programme des Nations Unies pour l’environnement sur les effets du noir de carbone sur la santé a révélé qu’il était un vecteur universel de produits chimiques de toxicité variable, affectant les poumons, les principales cellules de défense de l’organisme et éventuellement la circulation sanguine systémique.10 Pour les communautés autochtones et côtières qui dépendent de la chasse de subsistance et de l’alimentation locale, les risques sanitaires du noir de carbone peuvent être encore plus élevés; si les ours polaires et les phoques qui dépendent de la glace luttent pour survivre dans un climat changeant, il en sera de même pour les individus pour lesquels ces animaux constituent une source de nourriture essentielle.11 Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre les effets à court et à long terme de l’exposition au noir de carbone sur la santé humaine.
D’où vient le noir de carbone?
Le noir de carbone provient de sources naturelles et humaines. Dans l’Arctique, une partie du noir de carbone est produite naturellement par les feux de forêt. Les incendies de forêt dans l’Arctique prennent de nombreuses formes, mais les plus problématiques sont les « feux zombies ».12 Ces derniers peuvent faire fondre le pergélisol pendant qu’ils couvent sous la neige ou la glace13 et émettre du CO2 et des particules de noir de carbone lorsque la neige et la glace fondent et que le feu éclate à la surface.
Diverses activités humaines produisent du noir de carbone, qu’il s’agisse de feux de cuisson domestiques, de la combustion de combustibles commerciaux ou de processus d’extraction de ressources tels que le torchage des gaz résiduels.14 Les gaz d’échappement des navires commerciaux représentent une part croissante des particules de noir de carbone dans l’Arctique.15
Comment l’industrie maritime contribue-t-elle aux émissions de noir de carbone dans l’Arctique?
Les navires sont la seule source de noir de carbone émis au niveau de la mer à travers ou près de la glace de mer. Les navires restent toutefois le moyen le plus abordable et le plus efficace de transporter des marchandises et ce malgré leur dépendance aux carburants qui émettent des particules de noir de carbone.
Le transport maritime est essentiel à la survie de la région arctique, car il approvisionne les communautés éloignées et les sites industriels en biens et services pendant les mois d’été. Cependant, la croissance du commerce mondial, l’augmentation des activités pétrolières, gazières et minières dans l’Arctique et la viabilité croissante de la navigation transarctique exigent des mesures de réduction du noir de carbone pour mettre un terme à la perte de glace de mer et protéger les communautés côtières et l’environnement.
La perte de glace de mer due au réchauffement climatique ne signifie pas que la navigation sera plus facile. L’évolution des conditions météorologiques et climatiques dans l’Arctique a créé une glace de mer plus variable et volatile, ce qui entraîne des risques accrus pour les navires et des retards dans les transits. Si un navire n’est pas suffisamment renforcé (classé dans la catégorie des glaces), il doit être accompagné d’un brise-glaces par mesure de sécurité. L’épaisseur et la concentration de la glace ainsi que la vitesse et la direction de la dérive sont autant de facteurs qui exercent une influence sur la durée du voyage et la consommation de carburant. Alors que les navires qui se déplacent plus lentement consomment moins de carburant dans les eaux libres de glace, les conditions de glace augmentent la résistance, ce qui signifie qu’il faut consommer davantage de carburant pour maintenir une même vitesse.16 Il faut également tenir compte du fait que le voyage d’un navire peut être considérablement prolongé en attendant que les conditions météorologiques de l’Arctique changent; plus le navire reste en mer, plus il consomme de carburant et plus il produit de noir de carbone et d’autres émissions atmosphériques.
Les conditions d’exploitation des navires dans l’Arctique canadien demeurent variables en raison de nombreux facteurs, notamment les difficultés de navigation que posent le manque d’infrastructures et les conditions météorologiques et de glace changeantes. La consommation future de carburant et les émissions connexes sont difficiles à prévoir, et donc à atténuer. À l’heure actuelle, le trafic maritime contribue à environ 5 % des émissions de noir de carbone dans l’Arctique17 en raison de l’accessibilité limitée des voies navigables dans cette région. Toutefois, à mesure que le transport maritime dans l’Arctique se généralise, les experts prévoient que les émissions de noir de carbone dans toute la région pourraient tripler d’ici 2030 en l’absence de réglementation visant à les limiter.18
Comment les émissions de noir de carbone provenant des navires dans l’Arctique sont-elles abordées?
Compte tenu des complexités du noir de carbone et de ses répercussions potentielles sur l’Arctique, de nombreux groupes locaux et internationaux s’efforcent de lutter contre ces émissions. La déclaration de Fairbanks du Conseil de l’Arctique en 2017 est le premier objectif panarctique visant à réduire les émissions de noir de carbone provenant d’une série de sources de 25 % à 33 % par rapport aux niveaux de 2013 d’ici 2025. Cet objectif collectif et ambitieux est soutenu par tous les États arctiques. En 2021, le groupe d’experts sur le noir de carbone et le méthane a constaté que ces États ont réduit leurs émissions collectives de noir de carbone de 20 % en 2018 et sont en bonne voie pour 2025. Cependant, la consommation de carburants marins dans l’Arctique a augmenté de 82 % entre 2016 et 2019, ce qui menace les futures réductions collectives de noir de carbone.19
Le Conseil de l’Arctique et l’Organisation maritime internationale (OMI) ont des groupes qui travaillent en collaboration pour comprendre et contrer les effets des émissions de noir de carbone, notamment le sous-comité de l’OMI sur la prévention et la lutte contre la pollution.
La réglementation des émissions de noir de carbone provenant des navires est compliquée par l’absence de normes d’échantillonnage et de mesure. Le Canada a créé un groupe de travail technique international chargé d’élaborer un protocole normalisé d’échantillonnage et de mesure des émissions de noir de carbone provenant des moteurs marins, et des études sont en cours pour permettre des mesures précises et comparables.
Le sous-comité sur la prévention et la lutte contre la pollution a fait quelques progrès dans la compréhension de la façon dont de meilleures options de carburant pourraient mener à des réductions des émissions de noir de carbone.20 Le mazout lourd est le carburant à base de pétrole le moins cher utilisé par les navires commerciaux. Il s’agit d’un hydrocarbure persistant extrêmement difficile à nettoyer en cas de déversement, et pouvant être piégé dans et sous la glace de mer.21 Certains mazouts lourds ont également une teneur élevée en aromatiques qui favorisent la formation de noir de carbone lors de leur combustion. Les mesures visant à réduire la teneur en soufre du mazout lourd – telles que le resserrement de la limite de teneur en soufre permise dans les carburants marins mis en œuvre en 2020 – auraient pu réduire les émissions de noir de carbone si elles avaient entraîné l’utilisation de combustibles moins aromatiques; toutefois, les données disponibles à ce jour suggèrent que certains combustibles à faible teneur en soufre peuvent avoir une teneur en aromatiques similaire à celle du mazout lourd.
Des filtres à particules qui éliminent 90 % ou plus du noir de carbone des gaz d’échappement pourraient être mis au point pour utilisation dans l’environnement marin.22,23 Ces filtres sont déjà utilisés pour les poids lourds.
Des plans sont également en cours pour interdire l’utilisation et le transport de mazout lourd dans les eaux arctiques en raison du risque de déversement – bien que le transport de cargaisons de mazout lourd soit toujours autorisé – ainsi que l’utilisation de mazout lourd par les navires bénéficiant de certaines dérogations et exemptions.24
L’interdiction de transport de mazout lourd proposée réduit-elle les émissions de noir de carbone?
L’OMI a proposé d’interdire l’utilisation et le transport de mazout lourd dans l’Arctique.25 Cette mesure vise à réduire l’incidence d’un potentiel déversement en stipulant que les navires doivent utiliser des carburants alternatifs (moins denses) qui s’évaporeront ou se dissiperont en cas de déversement. Ces carburants alternatifs doivent avoir une limite de densité inférieure à la plupart des mazouts lourds (c’est-à-dire moins de 900 kg/m3 à 15°C).
Un avantage perçu de l’interdiction de transport de mazout lourd est la réduction potentielle du noir de carbone et d’autres polluants atmosphériques. Les carburants tels que le gaz naturel liquéfié (GNL) et le diesel marin (carburant distillé) sont les options actuelles. Le Comité de protection du milieu marin de l’OMI a décidé d’interdire l’utilisation et le transport de mazout lourd dans l’océan Arctique à la fin de 2020 et prévoit d’adopter officiellement cette interdiction en 2021.26
Malgré son potentiel d’amélioration de la qualité de l’air et de réduction des risques de déversement d’hydrocarbures, l’interdiction de transport du mazout lourd a fait l’objet de critiques et beaucoup s’interrogent sur son incidence au cours de la prochaine décennie. Dans sa formulation actuelle, l’interdiction n’entrera pas en vigueur avant 2024 au plus tôt. Grâce aux diverses dérogations prévues dans le texte de l’interdiction, les navires pourront toujours utiliser et transporter du mazout lourd dans l’Arctique circumpolaire jusqu’au milieu de l’année 2029, ce qui rendra la région vulnérable aux déversements et l’exposera à une pollution continue par le noir de carbone pendant cette période. En fait, les exemptions et les dérogations incluses dans le règlement sur l’interdiction de transport du mazout lourd devraient réduire l’utilisation de ce dernier dans l’Arctique de seulement 16 %, réduisant le noir de carbone de seulement 5 %, alors qu’une interdiction totale du mazout lourd pourrait réduire ces émissions de 30 %.27
Même une fois mise en œuvre, cette interdiction pourrait ne pas protéger adéquatement l’Arctique contre les polluants climatiques comme le noir de carbone. Rien ne garantit que les carburants répondant aux critères définis par la réglementation de l’OMI interdisant le mazout lourd seront pauvres en aromatiques, ni qu’ils réduiront les émissions de particules comme le noir de carbone. Les carburants à forte teneur en aromatiques ont une moins bonne combustion, ce qui entraîne une augmentation des émissions de particules de noir de carbone.
Pourquoi ne pas réglementer le soufre pour réduire le noir de carbone?
De nombreux combustibles produisent du noir de carbone, y compris des solutions de rechange potentielles au mazout lourd, comme le mazout à très faible teneur en soufre. Bien que le soufre présent dans les carburants contribue à la création de particules, la réduction de la teneur en soufre ne permet pas nécessairement de réduire les émissions de noir de carbone. Les mélanges de carburant à faible teneur en soufre, tout en réduisant les émissions d’oxydes de soufre, peuvent en fait produire davantage de noir de carbone.28 Certains nouveaux mélanges de carburants conçus pour satisfaire à la règle de l’OMI de 2020 relative à la teneur en soufre de 0,50 % ont une teneur en aromatiques plus élevée, ce qui entraîne des émissions plus importantes de noir de carbone lors de la combustion que les carburants distillés à faible teneur en aromatiques tels que le gazole marin. Une étude conjointe de la Finlande et de l’Allemagne a confirmé l’existence d’une corrélation entre une teneur plus élevée en aromatiques et un taux plus élevé de noir de carbone et a signalé l’aromaticité comme un sujet de préoccupation à l’OMI, avec un appel à davantage de recherche pour mieux éclairer les décisions politiques.29
La limite de soufre fixée par l’OMI en 2020 vise à réduire les émissions de soufre provenant des navires en limitant la teneur en soufre des combustibles à 0,5 % en masse. Des zones de contrôle des émissions de soufre (SECA) plus strictes sont en place autour des côtes d’Amérique du Nord et d’Europe, limitant la teneur en soufre à 0,1 %, mais l’Arctique n’a pas été inclus dans la zone SECA nord-américaine.
En outre, le règlement OMI 2020 visant à limiter la teneur en soufre n’élimine pas le risque de déversement d’hydrocarbures persistants. Le déversement du Wakashio à l’île Maurice en 2020 est un exemple des dommages causés par le mazout à très faible teneur en soufre. Un déversement de nature similaire serait encore plus compliqué dans les conditions de l’Arctique en raison du risque que le pétrole soit piégé sous la glace. De nombreux combustibles à faible teneur en soufre contiennent encore une certaine quantité d’huile persistante, et les exploitants de navires sont autorisés à continuer à utiliser du mazout lourd et d’autres combustibles à haute teneur en soufre s’ils installent un système d’épuration des gaz d’échappement (communément appelé « épurateur »).
Les épurateurs peuvent réduire le noir de carbone ainsi que les oxydes de soufre pour les navires qui continuent à utiliser du mazout lourd. Ces systèmes nettoient les oxydes de soufre des gaz d’échappement des navires avant qu’ils ne soient rejetés dans l’atmosphère. Des recherches préliminaires suggèrent que les épurateurs pourraient contribuer aux efforts visant à réduire le noir de carbone provenant des navires utilisant du mazout lourd à haute teneur en soufre, mais les navires utilisant des carburants à faible teneur en soufre devraient émettre moins de noir de carbone que les navires utilisant des épurateurs. L’utilisation d’épurateurs soulève également des problèmes de pollution de l’eau, car le soufre et les autres contaminants retirés des gaz d’échappement sont généralement rejetés à la mer sous forme d’eau de lavage acide.31
Les émissions de particules des navires doivent-elles être directement réglementées?
Dans toutes les autres formes de transport – route, rail et voies navigables intérieures – les émissions de particules sont limitées par la réglementation sur la qualité de l’air. Bien qu’il s’agisse de mécanismes importants pour la protection de l’environnement mondial, les réglementations de l’OMI visant à limiter le soufre et à interdire le mazout lourd dans l’Arctique ne ciblent que certains aspects de certains combustibles marins, et pourraient ne pas réduire efficacement les émissions de noir de carbone dans cette région polaire.
Les groupes environnementaux du monde entier plaident en faveur de réglementations visant directement les émissions de noir de carbone. La réglementation actuelle pour les régions polaires – le Recueil international de règles applicables aux navires exploités dans les eaux polaires ou Recueil sur la navigation polaire de l’OMI – ne fait aucune mention de la pollution atmosphérique ou des gaz à effet de serre provenant des navires.
Démystifier les contradictions pour mieux éclairer les politiques
Le noir de carbone est un polluant climatique dont la durée de vie atmosphérique est limitée, ce qui signifie que les mesures de réduction, si elles sont correctement mises en œuvre, réduiront les émissions de noir de carbone presque immédiatement, contribuant ainsi à prévenir un réchauffement supplémentaire de l’Arctique et de la planète à court terme.
Les émissions provenant des navires contribuent aux changements climatiques. La perte de la glace de mer due au réchauffement climatique crée de nouvelles possibilités pour la navigation dans l’Arctique. Démystifier de telles contradictions est un défi, mais cela permet à la science d’éclairer les politiques.
Une politique réfléchie et fondée sur des données probantes, permettra aux communautés et à l’environnement de l’Arctique canadien d’être mieux protégés contre les polluants nocifs comme le noir de carbone, tout en bénéficiant des possibilités économiques qu’un trafic maritime accru peut offrir.
Références
1 Par exemple, les utilisations de combustibles industriels, commerciaux et résidentiels ainsi que les feux de forêt.
2 Comer, B. (2021). Switching fuel: how to cut black carbon emissions from Arctic shipping.
3 Coalition pour le climat et l’air pur. (2021). What are short lived climate pollutants?
4 Particules fines inhalables dont les diamètres sont généralement de 2,5 micromètres et moins.
5 Bachmann, J. (2009). Pew Centre on Global Climate Change: Black carbon: A science/policy primer.
6 Programme de surveillance et d’évaluation de l’Arctique. (2021). EU-funded action on black carbon in the Arctic.
7 Programme de surveillance et d’évaluation de l’Arctique. (2021). The impact of black carbon on Arctic climate.
8 Programme de surveillance et d’évaluation de l’Arctique. (2021). EU-funded action on black carbon in the Arctic.
9 Alors que le noir de carbone a une durée de vie atmosphérique de quelques jours à quelques semaines, le CO2 a une durée de vie atmosphérique de 5 à 200 ans. Source : Groupe de travail I du GIEC : The Scientific Basis.
10 Programme des Nations Unies pour l’environnement. (2012). The health effects of black carbon.
11 Programme de surveillance et d’évaluation de l’Arctique. (2004). Arctic Climate Impact Assessment.
12 Forum économique mondial. (2020). Zombie fires and other strange events are happening in the Arctic.
13 Une épaisse couche souterraine de sol qui reste gelée toute l’année, principalement dans les régions polaires. [Traduction] (Dictionnaire Oxford).
14 Environnement Canada. (2021). Inventaire de carbone noir du Canada 2021.
15 Conseil international du transport écologique. (2021). Black carbon from ships.
16 Schroder et al. (2017). Environmental impact of exhaust emissions by Arctic shipping.
17 Groupe d’experts sur le noir de carbone et le méthane (GECNM) du Conseil de l’Arctique. (2017). Sommaire des progrès et des recommandations 2017.
18 Programme de surveillance et d’évaluation de l’Arctique. (2015). Arctic climate issues 2015 short-lived climate pollutants summary for policy-makers.
19 Groupe d’experts sur le noir de carbone et le méthane. (2021). 3° Sommaire des progrès et des recommandations, p. 24-25.
20 Sous-comité de l’OMI sur la prévention et la lutte contre la pollution. (2020). Prohibiting the use and carriage for use as fuel of heavy fuel oil by ships in the Arctic waters-draft MARPOL amendments agreed.
21 Protection de l’environnement marin arctique (PEMA). (2019). Heavy fuel oil (HFO) use by ships in the Arctic 2019.
22 Merkisz J., Pielecha J. (2015). Methods of Decreasing Emissions of Particulate Matter in Exhaust Gas.
23 Conseil international du transport écologique. (2019). Sixth ICCT Workshop on Marine Black Carbon Emissions: Black Carbon Control Policies.
24 Sous-comité de l’OMI sur la prévention et la lutte contre la pollution. (2020). Prohibiting the use and carriage for use as fuel of heavy fuel oil by ships in the Arctic waters-draft MARPOL amendments agreed.
25 Conseil international du transport écologique. (2020). The International Maritime Organization’s proposed Arctic heavy fuel oil ban: likely impacts and opportunities for improvement.
26 High North News. (2020). IMO and Arctic states face criticism over weak HFO ban.
27 Conseil international du transport écologique. (2020). The International Maritime Organization’s proposed Arctic heavy fuel oil ban: likely impacts and opportunities for improvement.
28 Conseil international du transport écologique. (2019). Sixth ICCT Workshop on Marine Black Carbon Emissions: Black Carbon Control Policies.
29 Sous-comité de l’OMI sur la prévention et la lutte contre la pollution. (2019). Reduction of the impact on the Arctic of black carbon emissions from international shipping.
30 Conseil international du transport écologique. (2021). Global scrubber washwater discharges under IMO’s 2020 fuel sulfur limit.
31 Conseil international du transport écologique. (2021). Air emissions and water pollution discharges from ships with scrubbers.