La mesure précise du bruit sous-marin, à l’aide d’hydrophones et de portées acoustiques, est essentielle pour les chercheurs, les régulateurs et les opérateurs de navires afin de comprendre l’impact du bruit sur la vie marine.
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L’une des premières étapes de la réduction du bruit rayonné sous-marin consiste à détecter et à mesurer le bruit généré par les navires. Pour les chercheurs, des mesures précises sont essentielles pour comprendre l’incidence du bruit sur la vie marine et les écosystèmes et pour évaluer l’efficacité des différentes solutions de réduction du bruit. Pour les gestionnaires du milieu marin et les organismes de réglementation, les mesures sont essentielles à la gestion des sources de bruit d’origine humaine. Pour les armateurs et les exploitants de navires, ces mesures leur permettent de prendre des décisions éclairées sur les technologies et les stratégies de réduction du bruit.
Les projets menés dans le cadre de l’Initiative pour des navires silencieux ont exploré diverses méthodes de détection, de mesure et d’analyse du bruit rayonné sous-marin, y compris des solutions à distance et embarquées.
Le bruit sous-marin peut être mesuré à l’aide d’un instrument appelé hydrophone (microphone sous-marin). Les hydrophones peuvent être déployés individuellement, en groupe ou en ligne, horizontalement ou verticalement à différentes profondeurs. Pour assurer la cohérence des mesures effectuées par différents hydrophones à différents endroits, l’Organisation maritime internationale a publié des lignes directrices révisées (en anglais) qui incluent des normes de mesure du bruit1.
Lorsqu’un navire passe devant un hydrophone, le bruit qu’il émet est enregistré. En connaissant la distance qui sépare l’hydrophone du navire à différents points, les chercheurs et les analystes de données peuvent utiliser le niveau sonore enregistré et tenir compte de la distance parcourue et des réflexions à la surface de l’eau et sur le fond marin pour calculer l’intensité du son lorsqu’il a quitté le navire. Ces mesures sonores corrigées rendent plus précises les comparaisons entre les navires, les lieux et les saisons. Les facteurs environnementaux comme le vent, les courants, la pluie et la température peuvent influencer la comparabilité de différentes mesures sonores, même celles prises dans la même zone. Ces facteurs sont également pris en compte dans les calculs des mesures du bruit.
Que mesurent les hydrophones ?
Les hydrophones détectent les variations de pression dans l’eau causées par les ondes sonores. Ces capteurs convertissent les fluctuations de pression sous-marine en signaux électriques, qui peuvent ensuite être analysés pour déterminer les propriétés du son comme le volume et la fréquence. Ils fonctionnent de la même manière que nos oreilles. Les mesures du bruit sous-marin provenant des navires effectuées par les hydrophones permettent de comprendre l’intensité sonore – la quantité d’énergie sonore traversant une zone à un moment donné – ainsi que le niveau de pression acoustique (exprimé en décibels) – qui représente la variation moyenne de la pression carrée du son. L’échelle des décibels utilise une pression de référence différente dans l’air et dans l’eau, de sorte que la comparaison des mesures de décibels entre l’air et l’eau peut être trompeuse – un décibel relativement silencieux dans l’air peut être interprété comme élevé dans l’eau. Ces mesures servent à déterminer le niveau du son à la source, ou la quantité de son si elle était mesurée à une distance d’un mètre (3 pieds) du navire, plutôt qu’à la distance requise lorsqu’on utilise un hydrophone.
Portées acoustiques sous-marines
Les portées acoustiques sous-marines sont des réseaux d’hydrophones placés dans l’eau pour mesurer le son. Elles peuvent être constituées d’un seul hydrophone ou de plusieurs disposés le long d’une ligne. Les portées acoustiques peuvent être permanentes ou déployées de façon temporaire.
Lorsqu’un armateur souhaite mesurer le niveau de bruit de son navire à l’aide d’une portée acoustique, il a recours à un processus appelé « ranging » ou un étalonnage est effectué. Le navire passe devant le ou les hydrophones dans une direction à une puissance motrice constante, puis revient. L’armateur peut effectuer plusieurs allers-retours pour mesurer le bruit à différents niveaux de puissance du moteur et de configuration des machines. Il peut également amarrer le navire à un endroit précis, éteindre tous les équipements et moteurs, puis, une par une, allumer et éteindre différentes pièces d’équipement. Ce procédé s’appelle « static ranging » ou étalonnage statique et sert à mesurer le niveau de bruit de différents équipements. Les portées acoustiques peuvent également être utilisées pour la surveillance passive à long terme du bruit sous-marin produit par les navires et du bruit de fond de l’océan, ainsi que pour l’identification de la faune et de la flore marines dans la zone.
L’un des principaux avantages des portées acoustiques est que les mesures prises dans la même portée sont directement comparables. Cela signifie que l’on peut mieux comparer différents navires, comportements opérationnels, conceptions de navires et influences saisonnières. En outre, selon l’emplacement des hydrophones, les chercheurs peuvent créer une image précise du paysage sonore, c’est-à-dire de la façon dont le bruit se propage dans la zone.
Appel aux propriétaires et exploitants de navires : participez aux mesures du bruit sous-marin !
Si vous êtes propriétaire ou exploitant d’un navire dans la mer des Salish et que vous souhaitez mesurer vos navires lorsqu’il transite par Boundary Pass, veuillez contacter l’équipe QVI de Transports Canada à l’adresse suivante : Marine-RDD-maritime@tc.gc.ca.
Pleins feux sur la Station d’écoute sous-marine du passage Boundary
À quelque 190 m (600 pieds) sous les couloirs de navigation de Boundary Pass – un détroit de 23 km situé le long de la frontière entre la Colombie-Britannique (Canada) et l’État de Washington (États-Unis) – se trouve une station d’écoute sous-marine composée de plusieurs hydrophones. Déployée par JASCO Applied Sciences (voir la vidéo), la Station d’écoute sous-marine de Boundary Pass comprend deux réseaux d’hydrophones, chacun équipé de quatre hydrophones actifs (plus d’autres en réserve), d’une caméra vidéo et de capteurs de température, de salinité et de courant de l’océan. La station est reliée au rivage par des câbles à fibres optiques, ce qui permet d’échanger et de traiter les données en temps réel.
Le détroit et la mer des Salish qui l’entoure constituent un habitat essentiel pour les épaulards résidents du Sud, une espèce menacée. Le bruit sous-marin produit par les navires est considéré comme une menace importante pour leur rétablissement. Parrainée par Transports Canada et en collaboration avec le Programme ECHO (Amélioration de l’habitat et de l’observation des cétacés) du Port de Vancouver, la station recueille des données pour mesurer le bruit sous-marin des navires commerciaux, pour détecter la présence de mammifères marins à proximité des voies de transport maritime et pour suivre les niveaux de bruit ambiant dans l’océan au fil du temps.
À partir de mai 2020, la station a recueilli des données sur le bruit sous-marin produit par près de 10 000 navires uniques effectuant plus de 62 000 passages, créant ainsi la plus grande base de données non militaire au monde sur le bruit rayonné sous-marin. Ces données peuvent être utilisées en combinaison avec d’autres ensembles de données – notamment la météo, des photos et des vidéos, ainsi que la vitesse et la position des navires à partir du SIA (Système d’identification automatique ou AIS en anglais) – pour soutenir la recherche dans un certain nombre de domaines. Les applications de recherche comprennent notamment le suivi des baleines, l’identification des sons émis par les poissons, la caractérisation de l’habitat marin au fil du temps, la réduction du bruit généré par les navires commerciaux et le suivi des petits navires dépourvus de transpondeurs SIA.
Cet article fait partie d’une série de cinq articles sur la technologie de détection et d’analyse du bruit sous-marin des navires.
Pour en savoir plus sur les nouvelles découvertes et les défis à relever pour rendre les navires plus silencieux, consultez les autres sujets de cette série ici.
L’Initiative pour des navires silencieux est financée par le gouvernement fédéral par l’intermédiaire de Transports Canada. Les partenaires industriels et les chercheurs intéressés par d’éventuelles collaborations en matière de recherche et de développement afin de faire progresser les solutions novatrices dans le domaine de la technologie marine sont invités à contacter l’équipe de l’Initiative pour des navires silencieux à l’adresse suivante : Marine-RDD-maritime@tc.gc.ca.
Hydrophone : Microphone sous-marin qui peut être déployé individuellement ou en groupe. Les groupes d’hydrophones peuvent être disposés horizontalement sur le fond marin ou verticalement à différentes profondeurs de la colonne d’eau. Les hydrophones détectent les variations de pression dans l’eau causées par les ondes sonores. Ces capteurs convertissent les fluctuations de pression sous-marine en signaux électriques, qui peuvent ensuite être analysés pour déterminer les propriétés du son, comme le volume et la fréquence.
Décibel : Unité utilisée pour mesurer le niveau de pression acoustique (intensité d’un son) ou le niveau de puissance d’un signal électrique. Il s’agit d’une unité relative et non absolue, utilisée pour exprimer une variation relative. Le décibel est utilisé pour décrire les sons en termes d’intensité. Pour les sons sous-marins, on utilise une pression de référence de 1 micropascal (μPa) pour décrire les sons en termes de décibels.
Intensité : Quantité d’énergie contenue dans une onde sonore, mesurée dans une zone donnée à un moment donné; se traduit également par la perception subjective de la pression acoustique et de l’intensité sonore.
Bruit sous-marin : Bruit généré sous l’eau par l’activité humaine dans l’environnement océanique. Diverses industries contribuent au bruit sous-marin : la production énergétique extracôtière, les travaux de construction, les opérations militaires et, bien sûr, le trafic maritime. Le bruit généré par les navires est appelé bruit rayonné sous-marin.
Encrassement biologique : Accumulation d’organismes vivants sur la coque et d’autres parties immergées d’un navire, qui entraîne une augmentation de la « traînée » ou de la friction lorsque le navire est en déplacement. Cette traînée augmente le bruit et diminue l’efficacité énergétique du navire.
- Les armateurs, les concepteurs, les exploitants et les autres intervenants peuvent utiliser la norme de mesure du bruit la plus appropriée et la plus récente figurant dans les directives révisées de l’OMI sur la réduction du bruit sous-marin produit par les navires en vue de remédier aux effets néfastes sur la vie marine. ↩︎