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Rapport

Comité d’experts sur la sécurité des navires-citernes : Arctique

lecture de 12 minutes
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Un examen du système de préparation et d’intervention du Canada en cas de déversement d’hydrocarbures dans l’Arctique.

Résumé Analytique

Clear Seas est un organisme indépendant, à but non lucratif, qui fournit une recherche objective et fondée sur des faits aux décideurs politiques et au public au sujet du transport maritime au Canada.

Dans cette optique, nous présentons ce résumé du second rapport du Comité d’experts sur la sécurité des pétroliers de Transports Canada, intitulé Un examen de la préparation et de l’intervention en cas de déversements par des navires — Mettre le cap sur l’avenir, Phase II – Exigences s’appliquant à l’Arctique et aux substances nocives et potentiellement dangereuses à l’échelle nationale. Ce condensé traite du Chapitre 1 – L’Arctique.

Ce résumé ne vise pas à présenter tout le commentaire du rapport ou toutes ses recommandations; en outre, l’ordre des éléments mentionnés n’est pas nécessairement le même que dans le rapport original.

Message du directeur exécutif

L’Arctique canadien est un des derniers milieux océaniques au monde qui sont presque intacts.

Cependant, en raison du changement climatique et des plus longues périodes où il n’est pas couvert par les glaces, le transport maritime commercial, les activités minières et peut-être même la prospection minière et gazière vont faire partie du paysage. Les risques potentiels de pollution associés pourraient devenir plus importants sans prévention et préparation adéquate.

Une source importante d’inquiétudes est due au fait que les ressources en matière de préparation et d’intervention en cas de déversements d’hydrocarbures causés par des navires survenant au nord du 60e parallèle sont bien moins développées que celles au sud de ce parallèle. Ce manque de préparation est un problème que l’on doit essayer de résoudre. C’est la raison pour laquelle Clear Seas soutient les 25 recommandations avancées dans ce chapitre de l’Examen. En particulier, nous appuyons fermement celles qui traitent de l’amélioration de la navigation, du besoin à bord du navire de planification d’intervention en cas de déversement dans l’Arctique et d’une augmentation des ressources dont dispose la Garde côtière canadienne. La mise en œuvre de ces recommandations constituera un grand pas dans la direction de la protection de nos eaux du Nord.

1er Chapitre : L’Arctique[1]

En comparaison des zones au sud du 60e parallèle, l’Arctique constitue un milieu beaucoup plus complexe pour des activités sur les lieux de préparation et d’intervention en cas de déversements. Cette situation peut s’expliquer par plusieurs raisons. Le climat, l’éloignement de l’emplacement des opérations et la présence et l’étendue d’une couverture de multiples années de glaces contribuent ensemble à créer des défis uniques pour les gens de mer et les intervenants qui assurent leur sécurité. Ces défis sont exacerbés par des facteurs tels que des cartes nautiques qui ne sont plus d’actualité, une infrastructure limitée de communications pour la transmission d’information concernant les conditions météorologiques et les cartes de glaces. À cela s’ajoutent les systèmes de navigation dans les glaces et les lacunes en couverture de radars terrestres et de Systèmes d’information automatiques.

En outre, les collectivités sont relativement de petite taille et dispersées le long de la côte Arctique et, dans l’éventualité d’un incident de pollution, le pollueur disposera d’un soutien initial limité pour organiser une intervention. De plus, en raison de l’augmentation graduelle d’eau libre par suite de la fonte de la calotte polaire, on observe une croissance de la fréquence et de l’intensité des tempêtes maritimes.

En dépit de tous ces éléments, une récente évaluation sur le risque de déversements dans l’Arctique commandée par Transports Canada a déterminé qu’à cause des très faibles volumes de circulation maritime et d’hydrocarbures transportés à l’heure actuelle en Arctique[2], la probabilité d’un déversement causé par un navire est bien plus faible que dans le reste du Canada.

Prévention

Comme la préparation et l’intervention en cas de déversements d’hydrocarbures présentent un plus grand défi dans l’Arctique que dans les eaux du sud du Canada, l’amélioration la plus importante à apporter consiste[3] à prévenir et à limiter les déversements par des navires. En résultat, le rapport du conseil d’experts détaille un certain nombre de stratégies que peut apporter le gouvernement.

Navigation

Pour assurer la sécurité de la navigation maritime, il est essentiel de disposer de cartes nautiques d’actualité. Malheureusement, seul un infime pourcentage de l’Arctique canadien a été cartographié selon une norme acceptable. Toutefois, à cause des vastes étendues et de l’éloignement de l’Arctique canadien, le redressement de cette situation constituera un énorme défi, notamment en raison de la brièveté de la saison de navigation qui restreint sérieusement le volume de travail que peut accomplir chaque année le Service hydrographique du Canada. De ce fait, le Gouvernement devrait se fixer comme priorité d’équiper les navires du gouvernement qui naviguent dans l’Arctique (comme les brise-glaces de la Garde côtière canadienne) de matériel hydrographique moderne et d’y poster des hydrographes durant les voyages dans le Nord. Ces mesures permettraient de recueillir plus rapidement des données bathymétriques (profondeur de l’eau) et amélioreraient la disponibilité de cartes nautiques modernes.

Les officiers de navigation dans les glaces jouent un rôle crucial dans l’équation de la sécurité d’un navire. Un officier de navigation dans les glaces tient lieu essentiellement de conseiller du capitaine d’un navire sur les régimes de glace dans lesquels un navire peut naviguer. Ce concept canadien est maintenant reconnu dans le monde entier comme pratique exemplaire dans la navigation arctique. Le Règlement sur la prévention de la pollution des eaux arctiques par les navires (RPPEAN) explique en détail les situations pour lesquelles il est obligatoire d’utiliser un officier de navigation sur les glaces. Comme il n’existe actuellement pas de programme de formation structurée ou de certificat officiel pour les officiers de navigation dans les glaces, le rapport a recommandé que Transports Canada, en consultation avec l’industrie, poursuive l’établissement d’une procédure de reconnaissance officielle pour garantir que les officiers de navigation dans les glaces possèdent effectivement l’expérience exigée.

Préparation et intervention

Un plan bien conçu constitue une première étape importante dans l’accomplissement des objectifs relatifs à la capacité d’intervention en cas de déversements d’hydrocarbures. Cela est particulièrement valide pour les opérations dans l’Arctique où la logistique des mesures d’intervention représente un défi et où les bâtiments peuvent se trouver très loin (temps et distance) de l’endroit où les ressources d’intervention sont situées. Les recommandations suivantes visent à permettre de réaliser certains de ces objectifs.

Le but des plans d’urgence de bord contre la pollution par les hydrocarbures est de guider le capitaine, les officiers et l’équipage à bord du navire quant aux étapes à suivre lorsqu’un incident de pollution par les hydrocarbures s’est produit ou risque de se produire. Le Canada, tout comme l’Organisation maritime internationale, exige des plans d’urgence à bord contre la pollution par les hydrocarbures pour les navires citernes de 150 TJB et plus, et pour les autres bâtiments de 400 TJB et plus.

Toutefois, à l’heure actuelle, ces plans ne sont pas tenus de répondre aux problèmes spécifiques présentés par l’Arctique. En conséquence, le rapport recommande que Transports Canada établisse une nouvelle exigence pour certains bâtiments et chalands exploités dans l’Arctique, c’est-à-dire posséder un plan d’intervention à bord en cas de déversements dans l’Arctique. Ce plan comprendrait toutes les exigences actuelles sud du 60e parallèle, mais comporterait des obligations supplémentaires.

En ce qui concerne les pétroliers participant au transfert d’hydrocarbures (à l’heure actuelle uniquement des produits raffinés), le plan devrait énoncer la capacité de préparation à bord du navire et les procédures d’intervention en cas de petits déversements opérationnels, comme les rejets au cours des opérations de transfert.

Du fait qu’aucun quai en eau profonde n’est situé dans les communautés de l’Arctique canadien, le réapprovisionnement en carburant est habituellement transféré des pétroliers aux réservoirs de stockage à terre au moyen d’un boyau flottant ou de chalands qui peuvent être échoués. En reconnaissance des défis souvent uniques associés aux opérations de transfert, le rapport recommande que Transports Canada, en consultation avec les parties intéressées, formule une structure de classement qui s’appliquera aux installations de manutention des hydrocarbures, et qui serait fondée sur une analyse des risques.

Lorsque cette analyse sera achevée, le ministère devrait, en outre, élaborer des normes appropriées en matière de préparation et d’intervention en cas de déversements pour encadrer l’établissement de plans d’urgence contre la pollution par les hydrocarbures qui tiennent compte des considérations concernant l’Arctique. Des normes devraient être articulées pour chacune des classes d’installations de manutention d’hydrocarbures nouvellement établies.

En même temps que Transports Canada formule les exigences réglementaires pour les Plans à bord d’intervention en cas de déversements d’hydrocarbures dans l’Arctique et de nouvelles normes pour les installations de manutention d’hydrocarbures et pour les chalands, le ministère des Transports devrait également mettre en œuvre un programme approprié de surveillance pour assurer que seront respectées ses nouvelles exigences concernant les navires et les installations de manutention d’hydrocarbures situées en Arctique.

Quelles que soient les circonstances, un déversement dans l’Arctique représenterait un défi de taille pour les intervenants. La disponibilité d’un ensemble complet d’options d’intervention améliorera les chances d’une intervention réussie en cas de pollution. Le rapport a également recommandé que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour supprimer les obstacles législatifs relatifs à l’utilisation d’autres techniques d’intervention, notamment pour les déversements dans l’Arctique, un lieu où ces techniques produiraient les meilleurs résultats, selon une analyse démontrant des avantages environnementaux importants.

Planification régionale et localisée

Exactement comme dans le premier rapport concernant les déversements sud du 60e parallèle, le rapport du groupe d’experts recommande un processus de planification pour l’Arctique axé sur les risques et sur un secteur géographique. Ce qui est différent pour l’Arctique est le degré de détail des plans, la structure et les exigences s’appliquant à la planification de l’industrie ainsi que la participation de divers secteurs de l’industrie ou de leurs représentants.

Le rapport recommande également que la Garde côtière entretienne et mette régulièrement à jour le plan régional d’intervention pour l’Arctique en tenant compte des renseignements les plus récents sur les principales ressources environnementales, les tactiques d’intervention en constante évolution et les ressources d’intervention disponibles. Ces plans devraient être élaborés en consultation avec les communautés locales, l’industrie et d’autres ministères et organismes gouvernementaux, et ils devraient être mis à la disposition de la population, des pollueurs potentiels et de leurs intervenants

La capacité d’intervention de la Garde côtière canadienne

La Garde côtière canadienne sert d’yeux et d’oreilles au Canada dans l’océan Arctique. Tout au long de notre dialogue avec les intervenants, nous avons entendu que les capacités de la Garde côtière canadienne avaient connu une baisse dans l’Arctique, ce qui a eu des effets sur sa capacité de s’adapter aux hausses modestes actuelles de la navigation et à la prolongation de la saison de navigation. Pour permettre à la Garde côtière canadienne de remplir son rôle adéquatement, elle aura besoin d’être présente, physiquement, dans l’Arctique pour la durée de la saison de navigation active.

À cette fin, même si la Garde côtière canadienne a déjà l’équipement et les moyens pour intervenir en cas de déversements d’hydrocarbures dans l’Arctique, elle pourrait avoir besoin de ressources d’intervention supplémentaires pour tenir compte de la mouvance du milieu existant dans le Nord.

À la différence du sud, il n’existe pas d’organisme d’intervention agréé pour des déversements dans l’Arctique. La préparation dans l’Arctique exigera des navires et des propriétaires d’installations de manutention d’hydrocarbures d’indiquer, dans leurs plans d’intervention respectifs en cas de déversements, les ressources qu’ils utiliseraient pour une intervention dans le cas de déversements d’hydrocarbures.

Il est essentiel que la GCC soit au courant des plans et des ressources de l’industrie. Par conséquent, le rapport suggère que Transports Canada et la Garde côtière canadienne créent un mécanisme de collaboration pour veiller à ce que la Garde côtière ait accès aux renseignements figurant dans les plans des propriétaires de navire et d’installations de manutention d’hydrocarbures en cas de déversements par des navires dans l’Arctique, ce qui lui sera utile dans son rôle d’agent de surveillance fédéral et de commandant sur place.

Formation des communautés

Pour effectuer une intervention rapide et efficace en cas de déversement d´hydrocarbures, il est important d’avoir un personnel adéquatement formé et équipé dans le Nord qui aiderait à faciliter l’intervention initiale. La création d’un programme de formation pour les diverses communautés éloignées qu’abrite l’Arctique canadien peut s’avérer un défi. Par conséquent, tous les niveaux de gouvernement devraient collaborer afin d’examiner les options de formation sur la préparation et l’intervention en cas de déversements d’hydrocarbures au niveau des communautés dans l’Arctique, et ils devraient encourager la participation des établissements d’enseignement locaux à cette entreprise.

Amélioration continue

En raison des vastes étendues et de la complexité de l’Arctique, les efforts de recherche devront probablement se concentrer sur des zones géographiques de risque plus élevé, aux endroits où la circulation de navires touche à des points écologiques sensibles : p. ex. le comportement des substances transportées le plus souvent dans l’Arctique et le type d’intervention qui serait le plus approprié dans ce contexte, la détection et l’intervention en présence d’hydrocarbures sous les eaux couvertes de glaces, les essais sur les effets et l’efficacité d’autres options de stratégies d’intervention, la surveillance de l’écosystème et le classement de différents types de côtes, et la modélisation et la surveillance de l’océan.

Par conséquent, le groupe de travail a recommandé qu’Environnement Canada, en collaboration avec Pêches et Océans Canada, les gouvernements provinciaux et territoriaux, les universités et collèges, l’industrie et les partenaires internationaux, donne priorité à des efforts destinés à combler les lacunes actuelles dans nos connaissances au sujet de la préparation et de l’intervention en cas de déversement.

Le gouvernement a aussi besoin d’exercer un suivi continuel de nouvelles activités, notamment en ce qui concerne les niveaux de trafic de navires pour garantir que des mesures supplémentaires sont mises en place quand cette mesure est appropriée. Par exemple, il aura besoin de surveiller de près les tendances en navigation dans l’Arctique sur une certaine durée pour déterminer si un régime de pilotage maritime pourrait s’imposer pour les zones constituant un risque de navigation plus élevé. Un investissement supplémentaire dans la Prévention des déversements d’hydrocarbures : Programme national de surveillance aérienne qui effectue une surveillance aérienne des glaces et de la pollution pendant quelques mois dans l’Arctique chaque année, peut également s’avérer nécessaire.


[1] Les termes « l’Arctique », « le Nord », « l’Arctique canadien », et « le nord du Canada » sont interchangeables et font référence aux régions situées au nord du 60parallèle, y compris le fleuve Mackenzie, son delta et le Grand lac des esclaves ainsi que la baie d’Hudson, la baie James, la baie d’Ungava, et la partie nord de la mer du Labrador.

[2] À l’heure actuelle, les produits pétroliers primaires transportés comme cargaison dans l’Arctique sont le diesel marine, le carburant, et le kérosène, qui sont tous des hydrocarbures non persistants. Le pétrole brut n’est pas actuellement une cargaison transportée dans l’Arctique.

[3] Dans le contexte de ce rapport, les déversements causés par des navires devraient être compris dans le sens suivant : tout déversement qui pourrait se produire au cours du transfert d’hydrocarbures entre un navire et une installation terrestre de manutention d’hydrocarbures, ainsi que des déversements provenant de navires.

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