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Atténuer le bruit sous-marin à l’aide des savoirs autochtones

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Exploration des perspectives autochtones et des connaissances traditionnelles appliquées à l’atténuation des impacts du bruit sous-marin sur les mammifères marins

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La pollution sonore sous-marine due aux activités de transport maritime peut avoir un impact négatif sur les mammifères marins de diverses manières.1 Les mammifères marins dépendent du son pour chasser, communiquer et se reproduire, et le bruit du trafic maritime interfère avec ces comportements de base. La réduction des effets néfastes du bruit sous-marin causé par les navires sur les mammifères marins nécessite une approche holistique, et la combinaison des connaissances traditionnelles autochtones et des pratiques scientifiques occidentales pourrait constituer un élément clé de la solution.

Les peuples autochtones sont profondément liés à l’environnement qui les entoure et possèdent des siècles de connaissances sur les mouvements migratoires, les meilleurs lieux de chasse et les modes de comportement des mammifères marins. Ces connaissances sont essentielles pour élaborer des solutions globales et efficaces aux effets négatifs de l’activité humaine sur l’environnement marin. Cet article présente quelques-unes des façons dont les communautés autochtones ont participé à la protection de leurs eaux traditionnelles et des mammifères marins qui y vivent.

Gestion autochtone de l’environnement marin

La nation Mahalat est un exemple illustrant une gestion rigoureuse de l’environnement marin. La nation Malahat a cherché à comprendre les interactions entre les navires et les mammifères marins locaux, et a donc investi dans une station d’hydrophones sous-marins. La nation Malahat a installé des hydrophones pour écouter les navires et les mammifères marins sur son territoire traditionnel. Avec l’aide de scientifiques marins pour mieux comprendre les hydrophones, la nation Malahat s’est installée à 20 endroits distincts pour examiner et enregistrer les bruits sous-marins dans ces zones. Grâce aux données acoustiques qu’elle recueille, la nation Mahalat espère faire évoluer ses pratiques de pêche et prévenir les dommages causés par les navires dans ses eaux locales.2

Étude de cas : Bruit sous-marin dans l’Arctique

La question de la pollution sonore sous-marine est particulièrement importante pour les Inuits. Les Inuits, dont le nom signifie « peuple » en inuktitut, sont originaires de ce que l’on appelle aujourd’hui les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut, le Nord du Québec et le Labrador. Les Inuits dépendent des mammifères marins, tels que le phoque, pour leur alimentation et pour d’autres raisons, et ils ont une connaissance approfondie des populations de mammifères marins sur leur territoire et des liens qui les unissent. Le bruit sous-marin des navires peut perturber le comportement et les habitudes de déplacement des mammifères marins, ce qui pourrait affecter la chasse de subsistance et d’autres pratiques culturelles des Inuits.3

Une augmentation significative du trafic maritime a été observée dans l’aire marine nationale de conservation Tallurutiup Manga située à l’extrémité nord de l’île de Baffin. L’aire marine nationale de conservation a été créée en 2019 (AMNC TI) afin de protéger 110 000 km2 d’habitat essentiel pour les mammifères marins dans la région de Qikiqtaaluk au Nunavut. En utilisant les données sur le trafic maritime, les connaissances autochtones, la science occidentale (notamment la modélisation du bruit) et la connaissance de l’environnement des populations locales, les Inuits et les scientifiques marins ont été en mesure d’estimer le nombre de navires traversant la zone.

Les résultats collectifs ont montré une nette augmentation des mouvements de navires sur des zones d’habitat importantes pour les narvals, les bélugas et les baleines boréales. Les Inuits possédaient les connaissances et les ressources nécessaires pour contribuer à cette recherche de bien des façons, y compris la capacité d’identifier les zones occupées par les mammifères marins, ce qui était essentiel à la réussite de ce projet.4

Étude de cas : Bruit sous-marin dans la baie Burrard

La nation Tsleil-Waututh (səl̓ilwətaɬ), le peuple de la baie, réside dans la baie de Burrard depuis des temps immémoriaux. Les Tsleil-Waututh croient fermement en « une obligation sacrée et légale envers les générations passées, présentes et futures de protéger, défendre et gérer l’eau, la terre, l’air et les ressources de notre territoire ». Les Tsleil-Waututh valorisent l’harmonie entre les connaissances traditionnelles, la valorisation des valeurs Tsleil-Waututh et une approche éthique de la croissance, afin de protéger leur territoire et leur culture.5

Les épaulards résidents du Sud sont une espèce en voie de disparition qui vit dans la mer des Salish et qui revêt une grande importance pour la nation Tsleil-Waututh.6 Afin de mieux comprendre la présence actuelle des baleines et d’évaluer les niveaux de bruit sous-marin provenant du trafic maritime dans ses eaux territoriales, la nation Tsleil-Waututh s’est associée au programme Enhancing Cetacean and Habitat Observation (ECHO) du port de Vancouver.7 La Nation Tsleil-Waututh a collaboré avec le programme ECHO pour déployer plusieurs hydrophones par an sur la période 2019-2022 afin de recueillir des données acoustiques dans la baie de Burrard.8 Les données recueillies constitueront des informations utiles pour aider à protéger l’habitat des épaulards résidents du sud dans la baie de Burrard.9

La voie à suivre

Pour réduire l’impact négatif du bruit sous-marin et mieux protéger les populations de mammifères marins le long de la côte de la Colombie-Britannique, les savoirs traditionnels doivent être intégrés aux solutions. Le lien entre les peuples autochtones et la vie marine est profondément ancré dans le bien-être de l’environnement marin, qui est lié au bien-être des communautés autochtones. Les modes de connaissance autochtones et leurs perspectives uniques doivent être privilégiés dans les programmes et la recherche liés aux impacts du bruit sous-marin sur les mammifères marins.

L’approche à double perspective (« Two-Eyed Seeing »), enseignée par Albert Marshall, un sage Micmac, pourrait être utile pour élaborer une solution holistique à la pollution sonore sous-marine. Cette approche est expliquée comme suit : « apprendre à voir d’un œil avec les forces des savoirs et des modes de connaissance autochtones, et de l’autre œil avec les forces des connaissances et des modes de connaissance traditionnels, et utiliser ces deux yeux ensemble, pour le bénéfice de tous ».10

Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones

Article 29.1 Les peuples autochtones ont droit à la préservation et à la protection de leur environnement et de la capacité de production de leurs terres ou territoires et ressources. À ces fins, les États établissent et mettent en œuvre des programmes d’assistance à l’intention des peuples autochtones, sans discrimination d’aucune sorte.11

À propos de l’autrice

Chanessa Perry est citoyenne de la Première nation Nisg̱a’a et est d’ascendance mixte européenne et Nisg̱a’a. Elle a effectué trois stages dans le cadre du programme de stages autochtones de Clear Seas et a récemment rejoint l’équipe en tant qu’assistante de recherche. Dans ce rôle, elle continuera à développer ses recherches sur les impacts du transport maritime sur les mammifères marins et sur la façon dont les communautés autochtones appliquent les savoirs traditionnels et les méthodes de recherche autochtones pour gérer l’environnement marin.

Références

  1. Administration portuaire Vancouver-Fraser. (2020). Burrard Inlet Underwater Noise Study: 2019 Final Report. ↩︎
  2. Malahat Nation. (2022). Environment. ↩︎
  3. Inuit Circumpolar Council (ICC) News. (2022). Using western science and Inuit knowledge to model ship-source noise exposure for cetaceans (marine mammals) in Tallurutiup Imanga (Lancaster Sound), Nunavut, Canada. ↩︎
  4. Ritchot, M. (2021). Ship noise could change marine mammals’ behaviour, research suggests. ↩︎
  5. Nations Unies, Département des affaires économiques et sociales. (2022). Tsleil-Waututh Marine Stewardship. ↩︎
  6. WWF-Canada. À propos des épaulards résidents du Sud. ↩︎
  7. Administration portuaire Vancouver-Fraser. (2020). Burrard Inlet Underwater Noise Study: 2019 Final Report. ↩︎
  8. Administration portuaire Vancouver-Fraser. (2021). Burrard Inlet Underwater Noise Monitoring Final Report. ↩︎
  9. Administration portuaire Vancouver-Fraser. (2022). Burrard Inlet Underwater Noise Study Framing Document. ↩︎
  10. Bartlett, Marshall, & Marshall. (2012). Two Eyed-Seeing. ↩︎
  11. Nations Unies. (2007). Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. ↩︎
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