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Rapport

Gestion des accidents maritimes

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Résumé du second rapport du Comité d’experts sur la sécurité des navires-citernes de Transports Canada, portant sur la préparation et l’intervention en cas de déversements par des navires.

Résumé Analytique

Clear Seas est un organisme indépendant, à but non lucratif, qui fournit une recherche objective et fondée sur des faits aux décideurs politiques et au public au sujet du transport maritime au Canada.

Dans le cadre de ce mandat, nous présentons ce résumé du second rapport du Comité d’experts sur la sécurité des navires-citernes de Transports Canada, intitulé Un examen de la préparation et de l’intervention en cas de déversements par des navires — Mettre le cap sur l’avenir, phase II – Exigences s’appliquant à l’Arctique et aux substances nocives et potentiellement dangereuses à l’échelle nationale.

Le rapport de la phase II est divisé en trois chapitres : L’Arctique, Substances nocives et potentiellement dangereuses, et Gestion des accidents maritimes. Par souci de commodité, ce résumé couvre le chapitre 3, qui porte sur la gestion des accidents maritimes.

Cet article ne vise pas à présenter tout le commentaire du rapport ou toutes ses recommandations, et l’ordre des éléments mentionnés n’y est pas nécessairement le même que dans le rapport original.

Message du directeur exécutif

Nous vivons dans un pays complexe où de multiples juridictions et autorités sont impliquées ‒ il a l’avantage d’avoir le plus long littoral du monde mais aussi les défis qui y sont liés, étant bordé de trois bassins océaniques et traversé en partie par le réseau de la Voie maritime du Saint-Laurent. Tous ces facteurs font que la gestion des accidents maritimes y est une entreprise difficile.

Par conséquent, il est nécessaire d’améliorer le processus de prise de décisions urgentes lors d’incidents qui, s’ils ne sont pas gérés de manière rapide et efficace, sont susceptibles de dégénérer en des incidents de pollution marine.

Au cours de ce chapitre, on puise dans l’expérience d’autres autorités nationales en ce qui concerne les systèmes centralisés de gestion des accidents maritimes. De là, on fait une recommandation critique relative à la situation canadienne qui, selon Clear Seas, mérite d’être prise en considération et mise en œuvre par le gouvernement.

Chapitre 3 Gestion des accidents maritimes

Nombreux sont les marins qui ont déjà vécu des urgences en mer, comme l’échouement d’un navire, une panne de moteur, la perte du système de propulsion ou de direction, ou un incendie à bord. Grâce à des procédures et à une formation normalisées, la plupart de ces incidents sont gérés à bord et ont peu de conséquences pour l’équipage, le navire lui-même et l’environnement. Toutefois, en de rares occasions, on doit fournir des efforts d’intervention plus intensifs et plus soutenus pour atténuer la situation et éviter qu’elle ne se transforme en un événement catastrophique, comme un abordage majeur, un échouement ou un déversement.

Selon la situation, il peut être nécessaire d’avoir recours à différents types d’expertise pour éviter un événement catastrophique et appuyer les efforts d’atténuation. Le nombre élevé d’autorités concernées et les différents pouvoirs qui peuvent être mis à contribution dans un accident maritime peuvent rendre le processus décisionnel très complexe, exigeant et parfois lent — caractéristiques qui accroissent le risque de déversement et de conséquences sur le plan de la pollution.

À titre d’exemples, on fait mention, dans le rapport, de certaines expériences survenues au Royaume-Uni et en Australie.

En 1996, l’échouement du pétrolier NM Sea Empress (un pétrolier monocoque) au large de la côte du pays de Galles a entraîné le déversement de 72 000 m3 de pétrole brut. Selon les conclusions de l’examen qui a suivi l’incident, le processus décisionnel en comité au cours de l’intervention avait été extrêmement inefficace. Les recommandations de l’examen incitaient le gouvernement à jouer un rôle plus important dans la gestion des futurs accidents maritimes et à nommer un décideur unique ayant le pouvoir de prendre des décisions et de les faire appliquer. Le Royaume-Uni a alors créé le poste de représentant du secrétaire d’État en matière de sauvetage et d’intervention maritime (aussi appelé le « SOSREP »), au sein de l’Agence maritime et de la garde côtière (MCA) du Royaume-Uni.

Cette décision s’est avérée judicieuse. Comparons le sort du NM Sea Empress à celui du MSC Napoli, un navire porte-conteneurs qui a subi de graves avaries lorsqu’il se trouvait dans la Manche, en route de la Belgique vers le Portugal, pendant une tempête dans l’Atlantique en 2007. Dans cette situation, le représentant du secrétaire d’État a agi rapidement, car tout retard aurait pu entraîner la rupture du bâtiment dans la Manche et potentiellement polluer l’ensemble de la région pour des années à venir. L’incident n’a entraîné qu’une pollution relativement mineure.

L’Australie, dont  le nombre d’autorités est comparable à celle du Canada, a adopté un modèle similaire de gestion des accidents maritimes, dirigé par un commandant des interventions en cas d’urgence maritime, appelé le Marine Emergency Response Commander (MERCOM), qui peut intervenir en réponse aux incidents qui surviennent dans les eaux fédérales et, dans certaines circonstances, dans les eaux des États ou les eaux territoriales (c.-à-d. les eaux situées dans un rayon de trois milles marins de la côte). L’Australie a constaté que, dans l’ensemble, une entente mutuelle préétablie entre tous les ordres de gouvernement et un examen approfondi de leurs positions se sont traduits par une diminution des tensions et une prise de décisions plus efficace pendant les incidents urgents.

Au Canada, dans les cas où un équipage entraîné qui suit des procédures normalisées n’est pas en mesure de gérer une urgence à bord d’un navire, Transports Canada et la Garde côtière canadienne ont le pouvoir d’intervenir lors d’accidents maritimes. De plus, les administrations portuaires locales ont certains pouvoirs qui leur permettent de diriger les bâtiments sur le point de quitter le port ou d’y entrer.

Tous ces pouvoirs peuvent engendrer des directives contradictoires. Lorsque survient un incident de pollution, ou lorsqu’il y a un risque clair de pollution, la Garde côtière canadienne, dans son rôle d’agent de surveillance fédéral ou de commandant sur place, est bien placée pour agir ou pour diriger une intervention. Son application du Système de commandement d’intervention (SCI) facilitera encore davantage ce travail.

Toutefois, certains cas d’accidents maritimes survenus par le passé ont démontré qu’il existe une zone grise opérationnelle lorsque le risque de pollution est controversé. Il y a dans cette zone grise une belle occasion d’améliorer le processus de prise de décision pour faire en sorte que les décisions soient d’abord et avant tout prises dans l’intérêt public et qu’elles ne soient pas influencées par des pressions d’ordre politique ou financier, ou des pressions liées à un conflit de compétences.

Étant donné la complexité liée aux différents secteurs de compétence au Canada, la gestion des accidents maritimes est manifestement un problème compliqué que l’on devrait examiner de près. Il y a d’importantes leçons à tirer des approches en place au Royaume-Uni et en Australie.

Les auteurs du rapport notent que, tout au long de leur dialogue avec les intervenants de l’industrie, de même qu’avec leurs homologues de l’étranger, ils ont été témoins d’un appui quasi unanime de ces modèles de prise de décisions — et ils exhortent le gouvernement du Canada à examiner les avantages que présentent ces modèles.

Par exemple, les pouvoirs d’intervention d’une nouvelle autorité de prise de décisions centralisée devraient être déclenchés si un incident maritime a causé, ou menace de causer, de graves avaries à un navire et si, d’après cette nouvelle autorité, l’incident polluera considérablement les eaux ou les côtes du Canada, de même que si l’exercice des pouvoirs est requis de manière urgente.

De plus, l’autorité de prise de décisions centralisée devrait exercer les fonctions clés suivantes :

  • Agir le plus tôt possible durant un incident afin d’évaluer les risques pour la sécurité, de mettre rapidement un terme à l’incident, et de veiller à ce que le risque croissant soit évalué et à ce que des mesures appropriées soient prises pour prévenir l’aggravation du risque ou y réagir;
  • Surveiller toutes les mesures d’intervention en cas d’accidents maritimes importants;
  • Au besoin, exercer l’autorité ultime en faisant appel aux pouvoirs d’intervention et en agissant dans l’intérêt premier du Canada et de son environnement;
  • Participer aux grands exercices nationaux et internationaux;
  • Évaluer toutes les activités après les incidents et les exercices importants, et faire partager les leçons apprises.

Dans cette optique, le Comité recommande, dans le rapport, que le gouvernement du Canada améliore la rapidité de la prise de décisions lors d’accidents maritimes en établissant une autorité de prise de décisions centralisée, agissant dans l’intérêt public, et comparable aux autorités en place au Royaume‐Uni et en Australie.

Lieux de refuge

Abordant une importante question connexe, le Comité mentionne qu’on lui a fait part de nombreuses préoccupations au sujet des lieux de refuge — définis comme des endroits idéaux pour l’accueil de navires en détresse. Trouver de tels lieux peut être difficile, mais c’est une partie essentielle de la planification d’urgence des zones côtières. L’Organisation maritime internationale reconnaît que la meilleure façon de réduire la pollution causée par un navire ayant subi un accident est de transborder les cargaisons et les carburants polluants qui se trouvent à bord du navire, et que le meilleur endroit pour le faire est dans un lieu de refuge.

Toutefois, la décision d’amener un navire potentiellement polluant dans une région côtière peut soulever des préoccupations d’ordre environnemental et économique au sein des populations et des administrations locales.

Tout en étant conscients que ces décisions doivent être prises au cas par cas, les membres du Comité ont été impressionnés par l’approche adoptée par la Norvège, dont le gouvernement tient une liste des lieux de refuge possibles qui est constamment mise à jour et est accessible au public. Cela permet au public de s’exprimer ouvertement sur les sites potentiels et de signaler au gouvernement des points importants (que celui-ci ignore peut-être), de façon à ce que tout risque ou toute difficulté puisse être pris en considération dans les processus de prise de décision.

La Garde côtière des États-Unis applique une approche similaire qui incorpore les considérations liées aux lieux de refuge dans les plans d’urgence par secteur.

Si le gouvernement du Canada décide de nommer un représentant analogue au représentant du secrétaire d’État en matière de sauvetage et d’intervention maritime ou au commandant des interventions en cas d’urgence maritime, ce type de consultation régulière sur les lieux de refuge pourrait être un élément essentiel du rôle de la personne occupant ce poste.

Publié | Modifié le