Un sondage pancanadien révèle d’importantes leçons pour les décideurs politiques et l’industrie du transport maritime en vue de la reprise économique post-COVID

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Par Paul Blomerus

 

Bien que le transport maritime joue un rôle majeur dans le commerce mondial, ce n’est pas un sujet que la plupart des Canadiens suivent de très près. Cela dit, les liens invisibles qui unissent le monde ont été mis en évidence cette année, alors que la pandémie de COVID-19 a exposé les tensions qui affectent les réseaux commerciaux. À cet effet, sept Canadiens sur dix ayant répondu au plus récent sondage d’opinion publique1 sur le transport maritime réalisé par l’Institut Angus Reid et le Centre pour le transport maritime responsable Clear Seas disent en avoir appris davantage sur les chaînes d’approvisionnement mondiales cette année, puisqu’ils ont été confronté à des pénuries de médicaments, d’équipements de protection individuelle, de désinfectant pour les mains et même de produits ménagers comme le papier de toilette.

Bien que le sondage indique que les Canadiens ont une disposition favorable à l’égard du transport maritime quand ils y réfléchissent (80% d’entre eux en ont une bonne impression), il révèle également que les Canadiens s’attendent à ce que l’industrie du transport maritime joue un rôle majeur dans la reprise économique post-pandémique en « reconstruisant correctement » les systèmes. La majorité des Canadiens interrogés (60%) disent que l’environnement devrait être la priorité (23%) ou, du moins, prendre autant d’importance que l’aspect économique (37%), quoiqu’une minorité non négligeable de répondants (40%) jugent l’aspect économique de l’équation plus important.  

En examinant les résultats obtenus d’un bout à l’autre du pays, des différences régionales et provinciales concernant la perception des risques et des retombées associés au transport maritime ressortent. L’accord de la priorité à la reprise économique plutôt qu’à la protection de l’environnement est un point de vue dominant en Alberta et en Saskatchewan, où au moins 55% des individus interrogées lui sont favorables.

Les opinions sur différents sujets liés à la sécurité du transport maritime ont été sondées dans le cadre de l’enquête, révélant ainsi les motivations sous-jacentes de ces différences régionales. Pour ce qui est de la sécurité des navires-citernes, les résidents de l’Alberta et de la Saskatchewan sont plus confiants. En tant que résidents des provinces qui dépendent des exportations d’énergie et de matières premières, 75% des répondants de l’Alberta et 69% de ceux de la Saskatchewan se disent très ou assez confiants de la sécurité du transport de produits pétroliers par navire, alors que la moyenne nationale est de 55%.

À l’inverse, les habitants de la Colombie-Britannique, de l’Ontario et du Québec – les provinces par lesquelles ces exportations doivent passer pour atteindre les marchés internationaux – sont deux fois plus susceptibles d’exprimer des inquiétudes quant à la sécurité du transport de pétrole par navire. Cette attitude prudente ne concerne pas uniquement les navires. Les doutes s’étendent au rôle du gouvernement dans le maintien de la sécurité du transport maritime dans son ensemble. Les résidents des provinces dotées de ports internationaux sont deux fois plus susceptibles d’énoncer des préoccupations quant au niveau de supervision gouvernemental et aux politiques et procédures de sécurité que les habitants de l’Alberta et de la Saskatchewan.

Quelles leçons peuvent donc en tirer les décideurs politiques et les chefs d’entreprise? Comment peuvent-ils concilier le scepticisme de la population à l’égard du transport maritime dans les provinces qui disposent des installations nécessaires pour le commerce d’importation et d’exportation au Canada? La réponse réside peut-être dans l’analyse de l’attitude envers la reprise économique en fonction du groupe d’âge. Les résultats de l’enquête ont révélé une importante division en fonction de l’âge; 70% des Canadiens de moins de 45 ans souhaitent voir une certaine balance environnementale dans le secteur du transport maritime dans le cadre de la reprise économique. En contrepartie, ceux qui souhaitent voir une réduction  des mesures de protection environnementale sont majoritaires âgés de 45 ans et plus.

L’influence croissante de la jeune génération et ses attentes en matière de protection de l’environnement pourraient donc apporter une solution à ce dilemme. Des normes plus strictes poseraient certes un défi au secteur du transport maritime et aux responsables de sa réglementation, mais elles pourraient aussi être la clé d’une économie dynamique d’import-export soutenue par le transport maritime.

Si le secteur entend réussir à convaincre cette cohorte de futurs leaders et influenceurs à se joindre à ses effectifs ou à le soutenir publiquement, le transport maritime doit continuer de s’adapter en fonction des questions qui préoccupent les jeunes Canadiens. Les décideurs politiques des paliers national et provincial doivent également être conscients que le développement des marchés d’exportation du Canada et des industries qui dépendent des importations exige que l’on tienne compte de cette génération montante, qui accorde la priorité à l’environnement et qui appuie activement la notion de « reconstruire correctement ».

 

Paul Blomerus, Ph. D., est le directeur exécutif du Centre pour le transport maritime responsable Clear Seas. Il a publié des recherches sur diverses questions relatives à la navigation et au transport maritime.

 


1 L’Institut Angus Reid a mené un sondage en ligne du 5 au 9 octobre 2020 auprès d’un échantillon aléatoire représentatif de 2 277 adultes canadiens membres du Forum Angus Reid. L’étude complète à est disponible ici.