Retour vers le futur : l’énergie éolienne et la décarbonisation du transport maritime

L’industrie du transport maritime subit actuellement des transformations majeures alors qu’elle tente de se décarboniser, c’est-à-dire de réduire ses émissions de gaz à effet de serre. L’énergie éolienne fera-t-elle partie de la solution?

Par Edward Downing

 

Alors qu’elle contribue de façon importante aux émissions de gaz à effet de serre (GES), l’industrie du transport maritime est sous pression afin de rencontrer les objectifs ambitieux qu’elle s’est fixés en vue de réduire ses émissions de carbone d’au moins 50 % par rapport aux niveaux de 2008 d’ici 2050. Or, il se pourrait fort bien qu’une partie de la solution « souffle dans le vent », comme le chantait Bob Dylan. 

Source d’énergie pratiquement inépuisable, le vent fait partie intégrante de l’histoire du transport maritime et est considéré comme un complément important à d’autres sources d’énergie. Il a le potentiel de rendre les objectifs de réduction des émissions de carbone réalisables et, ainsi, de contribuer à la durabilité de l’industrie du transport maritime. Le regain d’intérêt que connait l’énergie éolienne dans le domaine du transport maritime amène les ingénieurs et les architectes navals à explorer de nouvelles technologies et à utiliser des matériaux plus modernes que la toile, le lin et le bois des voiles d’autrefois. 

Dans leur forme la plus simple, les voiles modernes de haute technologie sont dressées sur le pont des navires d’où elles captent la brise à l’aide de logiciels informatiques sophistiqués. Un tel gréement peut, toutefois, encombrer le pont des navires et interférer avec les activités de chargement et de déchargement des cargaisons. Pour pallier cette contrainte, AirSeas, une société issue de la scission d’Airbus Industries, a développé une voile géante industrielle qui peut propulser les navires sans nécessairement les priver de leur espace. 

Il existe différentes façons d’atténuer la nature intrusive des voiles afin de rendre leur utilisation plus efficace. La compagnie hollandaise eConowind a développé une turbovoile hautement performante appelée Ventifoil. Cette dernière utilise un ventilateur interne pour améliorer la couche limite d’une aile portante, produire une plus grande portance et, ainsi, pousser les navires vers l’avant. 

Un autre exemple, et probablement la technologie éolienne la plus novratice et la plus largement utilisée à l’heure actuelle, est le rotor Flettner. Les cylindres rotatifs ou rotors verticaux ne ressemblent en rien aux voiles traditionnelles; ils utilisent le phénomène aérodynamique connu sous le nom de l’effet Magnus, découvert dans les années 1850 par le physicien allemand Heinrich Magnus. Ce dernier avait remarqué que lorsqu’un objet en rotation se déplace dans l’air – comme un ballon, par exemple – il est soumis à des forces latérales. Pour produire cet effet à bord des navires, des cylindres géants sont montés verticalement sur le pont et un petit moteur électrique les fait tourner. Lorsque le vent souffle sur le côté des rotors, l’effet Magnus crée une poussée vers l’avant. 

À ce jour, six navires équipés de rotors Flettner opèrent à l’international, dont un vraquier Ultramax, un pétrolier ainsi que des traversiers et navires rouliers; trois navires supplémentaires seront équipés de rotors d’ici la fin de l’année. Puisqu’ils sont étroits, les rotors verticaux n’occupent pas beaucoup d’espace à bord des navires. Ils peuvent être montés sur des chariots et déplacés lorsque des opérations de chargement et de déchargement des cargaisons sont en cours. 

Des estimations préliminaires portant sur les gains réalisés en matière de consommation de carburant et de réduction des gaz à effet de serre résultant de l’installation de voiles sur des navires varient entre 1% et 47%, tout dépendant du nombre de voiles, de la vitesse et de la direction du vent, selon l’International Council on Clean Transportation. Habituellement, les voiles sont déployées si la direction dans laquelle souffle le vent est favorable. Mais qu’adviendrait-il si les navires pouvaient tirer avantage des technologies modernes relatives au Système de positionnement mondial et aux prévisions météorologiques pour planifier leurs trajets de façon à maximiser l’apport du vent? 

Bien que ces technologies peuvent être adaptées et installées à bord de navires déjà construits, d’autres adoptent une approche plus radicale. Et si la forme et la structure des navires étaient conçues pour capter le vent? En temps normal, les marins luttent contre les effets des vents transversaux. Or, si les coques étaient conçues afin d’agir comme des ailes, les navires pourraient littéralement voler à travers le vent en utilisant leur coque comme voile. L’International Windship Association estime que les navires dont la propulsion est assistée par le vent pourraient réduire de 50%, en moyenne, leur consommation de carburant et leurs émissions de GES. Certains modèles pourraient même être alimentés à 100% par l’énergie éolienne. 

L’industrie du transport maritime fait face à un défi de taille en ce qui concerne la réduction de son empreinte de carbone. D’autres options pour réduire les émissions de gaz à effet de serre provenant des navires sont en développement, mais la plupart d’entre elles cherchent à trouver des alternatives aux carburants marins traditionnels. Effectuer un virage radical comme celui de passer à l’énergie éolienne nécessitera certains changements structurels. Les navires, dont la durée de vie peut dépasser les 30 ans, représentent d’importants investissements. Afin de justifier l’investissment que représente, pour les propriétaires de navires, l’installation de systèmes de propulsion éolienne sur leur flotte, ces derniers devront s’assurer que les économies réalisées par les opérateurs de navires sur l’achat de carburant seront partagées. Les opérateurs de navires devront également considérer les possibles impacts économiques que les conditions du vent pourraient entraîner sur la capacité de chargement des navires ainsi que sur les temps de voyage qui pourraient , à l’occasion, se voir prolongés. 

Tous ces défis ne semblent pas insurmontables considérant le potentiel de cette opportunité. Il serait intéressant que l’histoire se répète et que les navires soient éventuellement alimentés par le vent, comme autrefois.

 

Edward Downing est le directeur des communications du Centre pour le transport maritime responsable Clear Seas, Vancouver, C.-B. Pour en savoir plus, vitsitez clearseas.org