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Quelle incidence aura l’oléoduc TMX sur le transport maritime dans la mer des Salish?

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Le transport de pétrole par navire n’est pas étranger à la controverse. Cet enjeu va certainement s’intensifier alors que le projet d’expansion de l’oléoduc de Trans Mountain (TMX) est en voie d’être achevé à la fin de 2022 et de voir ses trois postes d’amarrage pleinement opérationnels en 2023, plaçant les risques potentiels de l’augmentation du trafic de pétroliers sur les écosystèmes côtiers sous les feux de la rampe.

Clear Seas a récemment publié une étude faisant état du trafic maritime dans la région canadienne du Pacifique qui apporte un éclairage nouveau et un contexte important à la discussion, notamment en ce qui concerne l’incidence sur le trafic maritime d’une augmentation du nombre de pétroliers. Étant donné que les statistiques sont largement utilisées des deux côtés de l’enjeu pour faire valoir des positions bien arrêtées, notre équipe de recherche a cherché à s’assurer que les informations les plus exactes étaient prises en compte. C’est pourquoi nous publions ce résumé actualisé qui examine l’effet du projet TMX sur le trafic maritime régional et la quantité de pétrole que ces navires transporteront. Il est important de souligner que cette analyse n’est pas une mesure du risque, mais une mesure impartiale du trafic maritime mise en contexte. La méthodologie que nous avons utilisée pour calculer le trafic est expliquée au bas de ce billet.

Les pétroliers deviendront plus courants

Il est certain qu’à la suite du projet d’expansion de TMX, les pétroliers deviendront plus courants dans la mer des Salish, probablement aussi courants que les porte-conteneurs. L’analyse de Clear Seas prévoit que lorsque le projet sera pleinement opérationnel, les pétroliers supplémentaires qui transporteront le pétrole du projet TMX pourraient représenter une augmentation de 9 % du trafic maritime commercial passant par le détroit de Juan de Fuca, ou une augmentation de 13 % de ce trafic à destination des ports canadiens.

Trafic maritime dans le detroit de Juan de Fuca

L’augmentation du trafic maritime ne signifie pas l’augmentation de la taille des navires

En soi, le nombre total de pétroliers ne donne pas un portrait complet de la situation, car les pétroliers sont de tailles et de capacités diverses. De nombreux petits navires-citernes (classés comme petits Handysize, grands Handysize, Handymax et grands Handymax) visitent actuellement le Port de Vancouver pour recueillir et livrer des produits liquides comme des carburants, des produits chimiques, des produits spécialisés et des huiles végétales. Les détails de ce trafic sont inclus dans le rapport Clear Seas, Le trafic maritime dans la région canadienne du Pacifique (p. 26).

En 2016, 87 % du trafic de pétroliers passant par le détroit de Juan de Fuca à destination des ports canadiens était constitué de pétroliers de moins de 50 000 tonnes de port en lourd (TPL). Leur taille compacte par rapport aux plus grands pétroliers est illustrée dans la figure ci-dessous.

de quelle taille sont les petroliers qui transitent dans la mer des salish

Cette figure montre également les tailles relatives des deux pétroliers les plus communs dans les eaux de la région, l’Aframax et le Suezmax. Les pétroliers Suezmax sont le plus souvent utilisés pour transporter du pétrole brut de l’Alaska vers les raffineries de l’État de Washington aux États-Unis. Étant donné que la baie Burrard (où se trouve le terminal de déchargement de TMX) ne peut accueillir que de petits pétroliers Aframax et que des restrictions de tirant d’eau dans le Second Narrows (deuxième détroit) empêchent ces derniers d’être à pleine capacité, un plus grand nombre de ces petits pétroliers est nécessaire pour transporter la même quantité de pétrole, comparativement au commerce des pétroliers américains.

2020 avec TMX

La répartition du nombre de pétroliers avant et après le projet d’expansion de TMX est illustrée dans le graphique ci-dessus. Après le projet TMX, les ports canadiens de la mer des Salish deviendront une destination plus importante pour les pétroliers que leurs homologues américains, avec une distinction très importante : comme les pétroliers faisant escale dans les ports américains sont plus gros, la quantité de pétrole destinée aux raffineries américaines représentera toujours la plus grande quantité transportée dans la mer des Salish. Et il ne faut pas négliger le pétrole utilisé par les navires de charge comme carburant – un risque cerné par Clear Seas dans son analyse initiale du trafic maritime publiée en mars 2021.

Lorsque les résultats sont combinés, un nouveau portrait des quantités d’hydrocarbures persistants dans la mer des Salish émerge.

voyages aller-retour d'hydrocarbures persistants dans la mer des Salish

L’oléoduc TMX changera sans aucun doute le visage du transport maritime dans les eaux de la mer des Salish qui bordent le Port de Vancouver. Au cours d’une année moyenne, 32 pétroliers Aframax ou Panamax visitent Vancouver, soit un peu plus d’un toutes les deux semaines. Une fois que l’oléoduc TMX sera en service, ce nombre passera à environ 380 pétroliers Panamax et Aframax, soit un peu plus d’un par jour. Le nombre de petits pétroliers transportant une variété de liquides restera à peu près le même, avec de légères fluctuations. Le débat sur les risques et les avantages de ce trafic se poursuivra, mais Clear Seas est persuadé que ces chiffres permettront de s’assurer que la discussion s’appuie sur l’information la plus précise.

Comment ces chiffres ont-ils été calculés?

L’analyse de Clear Seas sur le trafic maritime de 2014 à 2016 donne une image claire de la navigation maritime le long de la côte canadienne du Pacifique, avec un accent particulier sur le trafic entrant dans la mer des Salish par le détroit de Juan de Fuca. Cette analyse donne une image claire du trafic entrant dans la mer des Salish de 2017 à 2024. Elle est calculée en deux phases.

flux du trafic maritime entrant dans la mer des salish

Phase 1 : Corrélation des données portuaires avec les résultats clairs de l’analyse du trafic maritime
L’analyse du trafic maritime de Clear Seas a trié le trafic de pétroliers et de navires de charge à travers le détroit de Juan de Fuca par destination, en comptant les navires à destination de ports du Canada, des États-Unis ou des deux pays. Ces données ont ensuite été mises en corrélation avec les escales enregistrées par la Northwest Seaport Alliance et le Port de Vancouver afin de déterminer le rapport entre les escales et le trafic dans le détroit de Juan de Fuca pour chaque destination.

Phase 2 : Mettre à l’échelle les résultats de l’analyse du trafic maritime en fonction des données sur les escales et le tonnage des cargaisons
Le rapport entre les escales et le trafic aller-retour dans le détroit de Juan de Fuca a ensuite été utilisé pour mettre à l’échelle les résultats de l’analyse du trafic maritime de Clear Seas jusqu’en 2020, sur la base des données relatives aux escales et au tonnage des cargaisons de 2017 à 2020 pour les deux ports.

L’analyse du trafic maritime a également estimé le volume de pétrole transporté sous forme de cargaison et de carburant par les navires au cours de leurs voyages aller-retour dans la mer des Salish. Ces chiffres ont aussi été mis à l’échelle pour estimer le volume d’hydrocarbures persistants traversant le détroit de Juan de Fuca dans les réservoirs de carburant et les cales des pétroliers, des navires de croisière et des navires de charge en 2024. Pour aider à visualiser les volumes d’hydrocarbures, les résultats sont présentés sous la forme du nombre de pétroliers Aframax à pleine charge qu’il faudrait pour transporter une quantité équivalente d’hydrocarbures pour chaque catégorie.

 

Une division géographique

Les passions sont vives des deux côtés de l’enjeu, qui est souvent présenté comme une lutte entre la protection de l’environnement et la sécurité de l’économie. Un sondage réalisé par l’Institut Angus Reid au début de l’année 2020 montre qu’une grande partie du clivage est d’ordre géographique, alors que 87 % des Albertains soutiennent l’oléoduc et que près de 40 % des Britanno-Colombiens s’y opposent. Il existe également un clivage entre les communautés autochtones situées le long du tracé de l’oléoduc, certaines s’opposant au projet en raison de l’incidence qu’il aura sur leurs terres et leurs eaux traditionnelles, tandis que d’autres y voient les bénéfices économiques pour leurs communautés. En examinant le désaccord, on constate que ce dernier a également créé des différents au sein de ces communautés, notamment entre les dirigeants élus et héréditaires.

Voix autochtones :

La division au sein des communautés autochtones reflète en grande partie la division géographique mise en évidence dans le sondage Angus Reid. S’adressant au Tyee, Charlene Aleck, porte-parole de la Nation Tsleil-Waututh, habitant le long de la baie Burrard, déclare que le trafic de pétroliers prévu est « essentiellement dans sa cuisine ». Elle fait remarquer que plus de 90 % de la nourriture de sa Nation provenait des eaux de la région avant l’arrivée des colons, mais que ce pourcentage est maintenant presque nul.

De l’autre côté de la question, Allan Adam, chef de la Première Nation Athabasca Chipewyan de l’Alberta, qui s’est clairement opposé aux sables bitumineux, a exprimé son soutien à un oléoduc qui pourrait être construit avec une participation autochtone : « Passons à autre chose, commençons à construire un oléoduc et à transporter le pétrole qui se trouve déjà ici », a-t-il déclaré à la CBC .

 

Remarques

1 Les hydrocarbures persistants comprennent la plupart des hydrocarbures bruts (non raffinés) et les hydrocarbures combustibles intermédiaires et lourds. En cas de déversement, ces hydrocarbures restent plus longtemps dans le milieu marin que les hydrocarbures non persistants et sont plus susceptibles de se répandre en nappe et de s’échouer sur le rivage, risquant d’enrober ou d’étouffer la faune. Pour plus d’informations, voir p. 60-61.

2 Cela n’inclut pas les autres projets qui pourraient entrer en service. La Vancouver Airport Fuel Facilities Corporation, par exemple, qui devrait être opérationnelle d’ici 2024, augmentera aussi le trafic maritime, tout comme les terminaux Pacific Coast, qui donneront lieu à des besoins supplémentaires pour des pétroliers transportant de l’huile de canola dans le bras de mer de Port Moody.

Références

Centre pour le transport maritime responsable Clear Seas. (2020). Le trafic maritime dans la région canadienne du Pacifique.

Fonds monétaire international. (2021). Perspectives de l’économie mondiale.

Port de Vancouver. (2021). Aperçu des statistiques (2014 à 2020) (en anglais)

Northwest Seaport Alliance. (2020). Historique du volume de fret sur cinq ans (en anglais)

Port de Prince Rupert. (2021). Résumé mensuel du trafic (2014 à 2020) (en anglais)

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