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La planification spatiale marine est-elle la clé pour des océans plus sains et sécuritaires?

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Comment le partage et la gestion de l’environnement marin peuvent contribuer à la pérennité de nos océans et de ses voies navigables.

Observez n’importe quel petit port en activité et vous verrez un ensemble de parties prenantes s’adonnant à différentes activités qui se chevauchent dans le temps et l’espace. Les navires de pêche commerciale, les exploitants d’entreprises touristiques et les bateaux de plaisance font leur place aux côtés d’espèces marines – comme le phoque commun – qui y ont élu domicile. Les ports plus importants situés le long des côtes canadiennes sont confrontés à la complexité ajoutée par les navires marchands. L’espace est limité, les activités ne sont pas toujours compatibles et des conflits peuvent survenir.

À l’échelle mondiale, les ports et leurs installations sont un microcosme de tensions spatiales plus larges qui se produisent dans les environnements marins. À mesure que les populations humaines et les économies se développent, les écosystèmes marins s’efforcent de fournir des ressources pour satisfaire les multiples besoins et intérêts concurrents de la société. Or, l’espace marin et ses ressources sont limités. Les demandes croissantes pour les ressources de l’océan de même que pour leur conservation conduisent inévitablement à des conflits. Alors, que faire? Existe-t-il des mécanismes permettant de partager et de hiérarchiser les espaces marins pour assurer la pérennité de nos océans?

Répondre à ces questions n’est pas simple. Compte tenu des nombreuses activités humaines et des multiples utilisateurs évoluant dans les écosystèmes marins et côtiers, les valeurs sociales, économiques, environnementales et culturelles qui doivent être prises en compte dans les plans sont nombreuses. Cette situation est encore compliquée par la nature multidimensionnelle du milieu marin, qui comprend la surface de la mer, l’air au-dessus, la colonne d’eau, les fonds marins et ce qui se trouve en dessous. Cette complexité rend la création de plans spatiaux plus difficile en mer que sur terre.1 La planification spatiale marine (PSM) est une approche de planification bien connue qui permet de relever ces défis.

Dans le cadre d’un projet de recherche visant à Démystifier la gouvernance maritime, Clear Seas a demandé à des chercheurs de l’Université Dalhousie d’étudier ce qu’est la PSM et comment elle a été appliquée au Canada.

Pour bien comprendre l’importance de la PSM, il faut savoir ce qui se passe lorsque des décisions sont prises sans tenir compte à la fois des utilisations humaines des océans et des besoins des espèces marines. Au début des années 1980, avec l’augmentation du trafic maritime dans la baie de Fundy, le gouvernement du Canada a mis en place un système de séparation du trafic (SST),2 une mesure de l’Organisation maritime internationale (OMI) utilisée dans les zones de navigation achalandées pour aider à organiser le trafic maritime et réduire le nombre de collisions et d’échouements. Bien que le système ait eu l’effet désiré puisqu’il a permis de mieux organiser le trafic maritime dans une zone de pêche très fréquentée, il a involontairement déplacé les grands navires au milieu de l’habitat essentiel des baleines noires de l’Atlantique Nord en voie de disparition, augmentant ainsi leur risque de collisions mortelles avec les navires.2

Une baleine et un navire commercial naviguent dans la baie de Fundy, en Nouvelle-Écosse

Vingt ans après son adoption, ce système de séparation du trafic a été revu et modifié sur la base d’une recherche qui a superposé les données spatiales des observations de baleines noires et des trajectoires des navires. L’analyse spatiale a montré qu’un petit changement dans les couloirs de navigation pour éviter les zones à forte concentration de baleines noires pourrait réduire considérablement les collisions avec les navires. Conséquemment, pour la première fois dans l’histoire de l’Organisation maritime internationale, les couloirs de navigation ont été modifiés pour protéger les mammifères marins.2 En plus de cette mesure sans précédent, Pêches et Océans Canada et la Garde côtière canadienne ont établi deux sanctuaires de baleines dans les bassins de Grand Manan et de Roseway. Désormais désignés comme des zones à éviter, les navires sont encouragés à ne les traverser que dans des circonstances exceptionnelles. Cet exemple montre comment la planification spatiale peut assurer la sécurité du transport maritime tout en réduisant la mortalité des baleines noires. Cela dit, une planification cloisonnée, a retardé cette réalisation alors que l’utilisation de la PSM aurait permis de s’assurer que les mammifères marins et les autres utilisateurs de la mer étaient pris en compte dans le processus dès le départ.

Qu’est-ce que la planification spatiale marine?

La planification spatiale marine (PSM) est un processus stratégique, pratique et internationalement reconnu qui vise à faire en sorte que la société tire profit de l’océan tout en protégeant le milieu marin.3 Le concept de PSM est apparu au début des années 1980 et a gagné en popularité en tant qu’approche de gestion écosystémique qui tient compte de l’interconnexion entre les nombreux phénomènes naturels et acteurs au sein d’un écosystème.4 La PSM vise à protéger les habitats marins tout en permettant l’utilisation efficace des ressources marines.

Pour atteindre cet objectif, la PSM définit un processus pragmatique pour organiser l’utilisation de l’espace marin et les interactions entre les utilisateurs humains et les écosystèmes. Une « vision spatiale » est créée pour le milieu marin, qui permet d’allouer des zones aux activités économiques tout en tenant compte des besoins de l’environnement et de la vie qu’il abrite. Ce processus fait participer tous les intervenants et détenteurs de droits afin de comprendre et de saisir la diversité des objectifs de la PSM. Comme son nom l’indique, l’approche est fondée sur l’espace, en appliquant des données et des informations liées explicitement à un emplacement géographique.

La création du parc marin de la Grande Barrière de Corail en Australie dans les années 1980 a été l’une des premières initiatives de PSM officiellement reconnues. Lors de la création du parc, des activités précises ont été assignées à des zones définies par un processus appelé zonage. Le zonage, en tant qu’outil de gestion spatiale, s’est avéré efficace pour protéger la biodiversité et les avantages pour la communauté car il gère les utilisations directes de la région, notamment le transport maritime, les ports, la pêche et le tourisme.5 Le système est similaire à la planification urbaine où le zonage maintient les activités incompatibles séparées. Le processus de planification spatiale marine qui a permis de prendre la décision de mettre en œuvre le zonage s’est avéré important, car le zonage est devenu le fondement de la gestion de la résilience écologique de la Grande Barrière de Corail.6 L’utilisation de la PSM dans le parc marin démontre qu’elle peut être un mécanisme utile pour aider à maintenir le récif en bonne santé, assurant ainsi une plus grande biodiversité qui sous-tend le secteur touristique économiquement prospère.5, 6

Aperçu de la Grande Barrière de Corail, en Australie, où l’une des premières initiatives de PSM a été mise en place pour gérer les utilisations commerciales de cette région tout en protégeant sa biodiversité

À ce jour, plus de 75 pays ont mis en place des initiatives de planification spatiale marine.7, 8 D’ici 2030, la PSM devrait être utilisée pour éclairer la gestion d’au moins un tiers des zones économiques exclusives à l’échelle mondiale, c’est-à-dire la zone qui s’étend du rivage jusqu’à 200 miles nautiques au large et dans laquelle les pays ont le contrôle des activités et des ressources marines.

Quels sont les avantages de la planification spatiale marine?

Alors que de nombreux pays côtiers ont mis en place des systèmes pour gérer des environnements côtiers et marins dynamiques, la planification s’est souvent effectuée secteur par secteur ou au cas par cas, sans tenir compte des interactions entre les différentes activités humaines.9 Comme ces dernières ont été planifiées de manière indépendante, même lorsque leurs impacts sur l’environnement ont été évalués, leurs interactions et leurs effets cumulatifs sur l’environnement n’ont pas été examinés. Les résultats de cette approche de gestion peuvent être inadéquats. Dans l’exemple du système de séparation du trafic de la baie de Fundy, la planification de la sécurité des navires n’a pas initialement tenu compte des mammifères marins. Ce manque a mené au passage des navires dans des zones à forte densité de baleines noires, ce qui a eu pour conséquence involontaire d’augmenter le risque de collision avec les navires.

En tant que solution de rechange, la PSM offre aux pays côtiers une approche efficace, complète et cohérente pour mettre en œuvre un cadre de gestion ancré dans les écosystèmes et le développement durable. La PSM est également un processus itératif et tourné vers l’avenir, qui permet aux plans d’évoluer au fil du temps. La planification spatiale marine est de plus en plus utilisée à l’échelle mondiale et les ressources permettant de l’appliquer sont mises au point en parallèle, y compris de nombreux manuels et boîtes à outils, tels que l’initiative étape par étape élaborée par la COI/UNESCO.

En tant que processus public, la participation et la transparence font partie intégrante du processus de planification spatiale marine. La mobilisation soutenue des intervenants et des détenteurs de droits dans ce processus offre aux utilisateurs du milieu marin des occasions de participer et de faire entendre leur voix. Une participation significative à la PSM exige d’interpréter et de visualiser les différents intérêts, objectifs et utilisations des espaces marins. Les détenteurs de droits et les intervenants se voient présenter toutes les informations combinées plutôt que de participer à un processus fragmenté. Ce qui différencie la PSM des autres processus de planification, c’est qu’elle peut donner l’occasion à tous d’avoir un siège à la table.10

La PSM permet de discuter d’idées et de priorités contradictoires. En théorie,10 le processus permet d’arriver à un consensus ou à un compromis que la plupart des participants peuvent accepter.11 Par exemple, lors de la mise en place de l’initiative de Gestion intégrée de l’est de la plateforme Néo-Écossaise (GIEPNE), on a remarqué que la possibilité d’entendre les points de vue d’autres secteurs était utile; de plus, l’approche de la vision globale « un seul océan » de l’initiative a inspiré la collaboration.12

En outre, la PSM permet d’utiliser les connaissances scientifiques et locales (autochtones et non autochtones) pour la planification des océans.13 Des ensembles de données de différentes natures peuvent être utilisés dans le processus de planification, les connaissances autochtones étant appliquées de manière holistique plutôt que traduites ou modifiées pour se conformer aux normes scientifiques occidentales.14 Ainsi, les différents savoirs peuvent être utilisés de manière synchrone et considérés comme également valables. De plus, les communautés autochtones et côtières sont incluses dès le départ et contribuent de manière répétée au processus.13 Par conséquent, la PSM peut faciliter la mise en place de cadres de gouvernance multiculturels afin d’inclure les peuples autochtones en tant qu’acteurs clés dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques océaniques.

Voix autochtones :

Certaines des stratégies utilisées par la PSM, comme le zonage, présentent des similitudes avec les systèmes de gestion utilisés par les peuples autochtones avant la colonisation. De nombreuses communautés des îles du Pacifique, par exemple, ont traditionnellement utilisé des restrictions de zone et de temps pour soutenir le rétablissement des ressources marines.15 Alors que la gestion écosystémique, le zonage et les zones marines protégées peuvent être présentés comme des inventions récentes de la science occidentale, ces pratiques sont mises en œuvre depuis longtemps par les peuples autochtones.15

La Nation Heiltsuk, sur la côte centrale de la Colombie-Britannique, a adopté des pratiques de gestion pour régir les ressources marines depuis des temps immémoriaux. La pêche au hareng a été gérée par un système de zones de récolte avec un accès restreint pour éviter la surpêche.16 De même, les pratiques de récolte traditionnelles limitaient la collecte de l’ormeau nordique au-dessus de la ligne de démarcation la plus basse, assurant ainsi une prise limitée.17

La manière dont les peuples autochtones géraient, utilisaient et protégeaient leurs ressources marines constitue un ensemble de systèmes et de connaissances qui peuvent aider le monde à trouver des solutions en assurant la prospérité économique, la résilience des écosystèmes et la diversité culturelle et biologique.15

Quel est le rôle des technologies numériques dans la planification spatiale marine?

La planification spatiale marine recueille des données spatiales pour résumer les schémas d’utilisation humaine et les processus environnementaux. En superposant ces données, il est possible de cerner les conflits potentiels au sein et entre les utilisations marines et les valeurs écologiques. L’une des façons d’y parvenir est de créer un atlas marin, une référence spatiale pour soutenir le processus de planification. Dans le contexte de la PSM, un atlas est une collection numérique de données spatiales qui permet de prendre des décisions en matière d’utilisation de l’espace marin et de durabilité environnementale.

Les atlas marins utilisent des outils d’analyse et de cartographie pour favoriser la participation et l’intégration efficace des données. Des outils numériques sophistiqués traitent les données spatiales afin d’aider les planificateurs à cerner les dispositions des zones d’utilisation et de conservation. Des plateformes logicielles permettent aux utilisateurs d’accéder aux données et facilitent la création de plans spatiaux. Le programme permet aux utilisateurs de collaborer pour dessiner des plans spatiaux, d’obtenir des analyses immédiates et de participer au processus. Ces outils soutiennent le processus global de gestion collaborative et unifiée, pour une meilleure planification.

Quel est le lien entre la planification spatiale marine et le transport maritime?

Le transport maritime joue un rôle important dans le système océanique, à la fois en tant qu’activité économique et en raison de son incidence sur les autres utilisations marines et sur l’environnement. Le transport maritime est une variable importante dans le processus de planification spatiale marine; cependant, la gouvernance des activités de transport maritime est complexe. Diverses réglementations et acteurs doivent faire face à des risques potentiels d’ordre juridico-politique, économique, socioculturel et opérationnel. Par conséquent, la nécessité d’adopter un cadre intégré de gouvernance n’a jamais été aussi grande.

Si elle est correctement mise en œuvre, la PSM peut améliorer la gouvernance du transport maritime. L’évaluation des risques du transport maritime est améliorée par la collaboration entre les différents ministères et gouvernements, ce qui garantit l’échange de renseignements essentiels. La PSM soutient une stratégie de gouvernance en réseau qui permet à tous les détenteurs de droits et aux intervenants de devenir des acteurs clés dans les processus de planification et de prise de décision. La PSM peut également intégrer des initiatives de planification à différentes échelles spatiales (nationale, régionale, provinciale, locale) et temporelles (planification saisonnière) fournissant un cadre pour aborder les diversités et les incertitudes spatio-temporelles. La PSM peut soutenir la collecte et l’échange de données, la création de plans spatiaux pour cerner les risques, la priorisation des zones d’intérêt et l’affectation de ressources pour la gouvernance du transport maritime. Alors que le transport maritime est traditionnellement régi du haut vers le bas pour des raisons de sécurité, les décisions sur la façon d’utiliser l’espace marin bénéficient d’une multitude de voix.

Les expériences réussies d’autres gouvernements ont montré les avantages de la planification spatiale marine pour équilibrer les objectifs multiples de la gouvernance du transport maritime, y compris la sécurité maritime, le développement économique et la protection de l’environnement. Plus récemment, des initiatives de PSM ont été élaborées pour gérer le trafic maritime de manière collaborative au sein de l’Union européenne.18 Ce cadre politique permet aux États membres de travailler au-delà des frontières et des secteurs pour s’assurer que les activités de transport maritime se déroulent de manière efficace, sûre et durable.

Transport maritime et planification spatiale marine au Canada : histoires de trois côtes

Compte tenu des avantages de la planification spatiale marine et de son succès dans d’autres pays, comment le Canada se positionne-t-il? Comment les pratiques de gestion spatiale ont-elles été appliquées à la gouvernance du transport maritime au Canada et comment le transport maritime a-t-il été pris en compte dans les initiatives de planification spatiale marine?

La récente mise en place, par le gouvernement du Canada, d’une initiative de planification spatiale marine a désigné Pêches et Océans Canada (MPO) comme l’organisme fédéral responsable de l’élaboration d’un cadre de gouvernance intégrée des océans en vertu de la Loi sur les océans. Le MPO a proposé la PSM comme une approche collaborative et transparente pour soutenir la mise en œuvre du Plan de protection des océans. Il s’agit d’un important pas en avant, car historiquement, bien que les initiatives de planification spatiale du Canada aient été axées sur la conservation, elles n’ont pas toujours tenu compte de tous les acteurs concernés, y compris le transport maritime. Les exemples suivants permettent de suivre l’évolution de la planification spatiale au Canada.

Côte atlantique

L’initiative de Gestion intégrée de l’est de la plateforme Néo-Écossaise (GIEPNE), annoncée en 1998, a été l’une des premières initiatives canadiennes de gestion intégrée des océans axée sur les zones extracôtières.12 Plus complète que le système de séparation du trafic de la baie de Fundy, la GIEPNE a mis l’accent sur la gestion coordonnée, en tenant compte de la conservation marine et en permettant une collaboration accrue entre les ministères fédéraux, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse, les Premières Nations, les partenaires de l’industrie, le milieu universitaire et les collectivités côtières. Bien que la GIEPNE ait été établie avec une structure collaborative permettant aux groupes d’arriver à des compromis, ces processus se sont avérés plus coûteux et plus longs que prévu.19, 20 La planification intégrée proposée s’est transformée en une planification sectorielle dirigée par Pêches et Océans Canada, en raison de la gouvernance fragmentée du milieu océanique au Canada.21 L’engagement limité de Transports Canada a rendu impossible une gouvernance complète du transport maritime commercial dans le cadre de la GIEPNE.20 De plus, bien que les Premières Nations aient été impliquées au sein du Comité consultatif des intervenants de la GIEPNE, il n’y avait pas suffisamment d’information pour décrire leur engagement envers le secteur du transport maritime et les répercussions de ce dernier sur leurs pratiques traditionnelles et moyens de subsistance.

Plateforme Néo-Écossaise. Source : Centre for Marine Environmental Prediction

La GIEPNE a pris fin en 201222 et a été utilisée pour élaborer le Plan régional pour les océans – plateforme Néo-Écossaise, côte atlantique, baie de Fundy.23 Transports Canada a mis en place des restrictions de vitesse pour rendre le transport maritime plus sécuritaire et a renforcé la collaboration avec les Mi’kmaq pour élaborer conjointement les ateliers sur les effets cumulatifs du transport maritime pour le projet pilote de la baie de Fundy.24

Côte du Pacifique

La zone de gestion intégrée de la côte nord du Pacifique (ZGICNP) a été lancée comme une initiative de gestion intégrée des océans par le gouvernement du Canada avec l’intention de travailler avec le gouvernement de la Colombie-Britannique, les peuples autochtones et d’autres intervenants. Cependant, en 2011, le gouvernement du Canada s’est retiré du partenariat de financement public-privé, « modifiant le processus de la ZGICNP, qui est passé d’une initiative de planification spatiale, globale et à plusieurs échelles à un plan stratégique de haut niveau et non spatial ».25 Le plan de la ZGICNP a été achevé et officiellement approuvé en 2017; il a servi de guide pour la mise en œuvre d’autres objectifs de planification marine.26

En raison du retrait du gouvernement du Canada, le Partenariat de planification marine pour la côte du Pacifique Nord (MaPP) est né du désir des Premières Nations participantes et de la province de la Colombie-Britannique de continuer à s’engager dans la planification spatiale. Le MaPP a utilisé un cadre de PSM dans lequel le gouvernement provincial et 17 Premières Nations se sont engagés à mettre en place une structure de gouvernance codirigée avec un pouvoir décisionnel égal pour tous les aspects du processus.25 Grâce au processus de planification, les partenaires ont élaboré des plans communautaires d’utilisation du milieu marin à différentes échelles géographiques, les plans communautaires des Premières Nations au sein de chacun de leurs territoires traditionnels constituant le fondement des plans subséquents aux échelons sous-régional et régional.25 Cependant, le MaPP ne traite pas des activités de transport maritime ou de pêche, car le gouvernement fédéral réglemente ces activités et n’a pas participé au processus. Dans le contexte des plans communautaires des Premières Nations encouragés par le processus du MaPP, la Nation Haïda est devenue une pionnière parmi les Premières Nations locales, en établissant un bureau de sensibilisation au milieu marin et en élaborant des initiatives communautaires de transport maritime et d’intervention en mer.

À l’heure actuelle, Transports Canada évalue la possibilité de modifier le système de séparation du trafic dans le détroit de Juan de Fuca afin d’éviter les zones à forte densité d’épaulards résidents du Sud. L’espèce étant en danger critique d’extinction, la réduction des risques de collision avec les navires et la diminution des perturbations acoustiques sont deux éléments essentiels au rétablissement de l’épaulard résident du Sud. Les éléments d’un cadre de planification spatiale marine sont en cours d’application, avec des plans de mobilisation visant à recueillir les commentaires des communautés autochtones et des intervenants intégrés au processus.

Un banc d’épaulards résidents du Sud dans les eaux côtières de la Colombie-Britannique

Arctique canadien

L’Arctique canadien compte plusieurs exemples d’approches de planification plus intégrées. Notamment, l’Initiative de planification de la gestion intégrée de la mer de Beaufort, la zone marine protégée de Tarium Niryutait, la zone marine protégée d’Anguniaqvia Niqiqyuam et la zone marine protégée de Tuvaijuittuq, ainsi que l’aire marine nationale de conservation de Tallurutiup Imanga, qui ont pris en compte le transport maritime et ses répercussions sur l’environnement marin, les pratiques traditionnelles et les moyens de subsistance.27 Conformément aux pratiques exemplaires du cadre de planification de la gestion intégrée, ces initiatives ont privilégié le dialogue ouvert et la communication bilatérale avec les communautés autochtones.

L’Initiative des couloirs de navigation à faible impact dans le Nord – lancée par Transports Canada sous l’égide du Plan de protection des Océans et soutenue par la Garde côtière canadienne et le Service hydrographique du Canada – utilise la planification spatiale pour minimiser les effets du transport maritime et guider la prise de décision réglementaire et la gouvernance dans les voies navigables de l’Arctique. Le projet utilise les connaissances autochtones et les observations du milieu marin pour élaborer conjointement des systèmes de gestion qui respectent et protègent les utilisations marines des Inuits. Les Couloirs de navigation de l’Arctique et les voix du Nord est une initiative qui a travaillé en étroite collaboration avec le gouvernement du Canada et les dirigeants inuits pour s’assurer que les points de vue inuits soient intégrés, que les zones marines culturellement importantes soient repérées et que des stratégies de gestion potentielles soient élaborées pour une navigation à faible impact. La mobilisation des gouvernements autochtones, territoriaux et provinciaux, de l’industrie, des organisations non gouvernementales et du milieu universitaire est également en cours. La PSM permet à toutes les parties qui utilisent la zone, y investissent ou y ont des droits de participer au processus de planification.

Bien qu’ils n’aient pas encore été mis en œuvre, ces couloirs devraient devenir un cadre de gouvernance efficace pour régir les activités de transport maritime; de nouvelles contributions au projet sont acceptées jusqu’au 1er janvier 2022.28

Leçons apprises pour la gouvernance du transport maritime au Canada

En s’appuyant sur le réseau canadien de conservation marine par zone, la PSM peut faciliter la collaboration entre les institutions fédérales, provinciales et territoriales, les détenteurs de droits autochtones et les intervenants afin d’élaborer des plans transparents pour l’utilisation durable de l’océan et des côtes. Pêches et des Océans Canada travaille actuellement sur des initiatives de PSM.

La PSM a le potentiel d’améliorer la gouvernance du transport maritime au Canada et de fournir des avantages à long terme pour l’économie et l’environnement. La mise en œuvre de la PSM nécessite une collaboration solide entre les différents ministères, les partenaires de l’industrie, les intervenants et les détenteurs de droits. Parvenir à une véritable gouvernance interministérielle et interculturelle n’est pas aussi simple qu’on pourrait le croire. Il y a eu un manque de clarté quant à la façon dont les différentes responsabilités peuvent fonctionner au sein des gouvernements avec des objectifs communs. À l’heure actuelle, le cadre pangouvernemental canadien et l’engagement du Canada à l’égard de la réconciliation avec les peuples autochtones peuvent servir de base à la coopération entre plusieurs ordres de gouvernement dans le cadre de la PSM.

La PSM offre à l’industrie du transport maritime l’occasion de travailler en collaboration avec tous les organismes fédéraux et les autres parties concernées. La commodité d’établir des pratiques exemplaires par la collaboration incite l’industrie du transport maritime à participer, à la fois dans le cadre de la responsabilité sociale et de la rationalisation de l’établissement des règlements.

La PSM fournit un cadre par lequel les peuples autochtones, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, l’industrie, les organisations non gouvernementales et toute autre partie intéressée, y compris les citoyens et les résidents canadiens, peuvent participer en tant que partenaires aux processus de planification des espaces marins. Assurer la prospérité économique, la durabilité, la diversité culturelle et la résilience environnementale sur toutes les côtes du Canada est un objectif louable et la PSM offre une voie pour y parvenir.

Équipe de recherche

Ce blogue a été rédigé en collaboration avec des chercheurs de l’Université Dalhousie dans le cadre du projet de recherche Démystifier la gouvernance maritime de Clear Seas.

Weishan Wang est une candidate au doctorat interdisciplinaire à l’Université Dalhousie. Ses recherches portent sur la gouvernance du transport maritime, la planification spatiale marine (PSM) et le savoir inuit. Sa recherche doctorale porte sur l’amélioration de la gouvernance du transport maritime dans l’Arctique canadien en intégrant la gouvernance des risques, les perspectives inuites et la PSM.

Claudio Aporta

Claudio Aporta est titulaire d’un doctorat en anthropologie culturelle de l’Université de l’Alberta. Il est professeur agrégé au sein du programme des affaires maritimes de l’Université Dalhousie. Son travail est axé sur la documentation, la visualisation et la compréhension des connaissances environnementales autochtones, en particulier dans les régions côtières et marines de l’Arctique canadien et de l’Atlantique.

Leah Beveridge est une candidate au doctorat interdisciplinaire à l’Université Dalhousie. Elle étudie le transport maritime dans l’Arctique canadien depuis 2013 et se concentre maintenant sur comment la réconciliation peut se produire par l’entremise d’initiatives de sécurité et de transport maritimes en partenariat avec les Inuvialuit.

Références

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4 Ehler, C. et Douvere, F. Marine spatial planning, a step-by-step approach towards ecosystem-based management. (2009). Manuel et Guide de la COI no 53, Dossier ICAM no 6. Commission océanographique intergouvernementale et Programme de la biosphère, UNESCO, Paris. http://dx.doi.org/10.25607/OBP-43
5 Hassan, D. et Alam, A. Marine spatial planning and the great barrier reef marine park act 1975: An evaluation. (2019). Ocean & Coastal Management. https://doi.org/10.1016/j.ocecoaman.2018.10.015
6 Day, J. C., Kenchington, R. A., Tanzer, J. M. et Cameron, D. S. Marine zoning revisited: How decades of zoning the Great Barrier Reef has evolved as an effective spatial planning approach for marine ecosystem‐based management. (2019). Aquatic Conservation: Marine and Freshwater Ecosystems. https://doi.org/10.1002/aqc.3115
7 Santos, C. F., Agardy, T., Andrade, F., Crowder, L. B., Ehler, C. N. et Orbach, M. K. Major challenges in developing marine spatial planning. (2018). Marine Policy. https://doi.org/10.1016/j.marpol.2018.08.032
8 Ehler, C.N. Two decades of progress in Marine Spatial Planning. (2021). Marine Policy. https://doi.org/10.1016/j.marpol.2020.104134
9 Ehler, C. et Douvere, F. Marine spatial planning, a step-by-step approach towards ecosystem-based management. (2009). Manuel et Guide de la COI no 53, Dossier ICAM no 6. Commission océanographique intergouvernementale et Programme de la biosphère, UNESCO, Paris. http://dx.doi.org/10.25607/OBP-43
10 Flannry, W., Healy, N. et Luna, M. Exclusion and non-participation in Marine Spatial Planning. (2018). Marine Policy. https://doi.org/10.1016/j.marpol.2017.11.001
11 White, C., Halpern, B. S. et Kappel, C. V. Ecosystem service tradeoff analysis reveals the value of marine spatial planning for multiple ocean uses. (2012). Revue de l’Académie des sciences des États-Unis (PNAS). https://doi.org/10.1073/pnas.1114215109
12 McCuaig, J. et Herbert, G. Examen et évaluation de l’initiative de gestion intégrée de l’est de la plate-forme Néo-Écossaise (GIEPNE) (en anglais). (2013). Division de la gestion côtière et des océans, Direction de la gestion des écosystèmes, Pêches et Océans Canada, Région des Maritimes, Institut océanographique de Bedford.
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14 Parsons, M., Taylor, L. et Crease, R. Indigenous environmental justice within marine ecosystems: A systematic review of the literature on indigenous peoples’ involvement in marine governance and management. (2021). Sustainability. https://doi.org/10.3390/su13084217
15 Vierros, M. K., Tawake, A., Hickey, F., Tiraa, A. et Noa, R. Traditional Marine Management Areas of the Pacific in the Context of National and International Law and Policy. (2010). Université des Nations Unies, Institut des hautes études, Initiative Connaissances traditionnelles.
16 Powell, M. Divided Waters: Heiltsuk Spatial Management of Herring Fisheries and the Politics of Native Sovereignty. (2012). Western Historical Quarterly. https://doi.org/10.2307/westhistquar.43.4.0463
17 Lee, L. C., Thorley, J., Watson, J., Reid, M. et Salomon, A. K. Diverse knowledge systems reveal social–ecological dynamics that inform species conservation status. (2018). A journal for the Society of Conservation Biology. https://doi.org/10.1111/conl.12613
18 Commission européenne. Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour la planification de l’espace maritime et la gestion intégrée des zones côtières. COM (2013) 133 final. Bruxelles, 3 décembre 2013
19 Guénette, S. et Alder, J. Lessons from marine protected areas and integrated ocean management initiatives in Canada. (2007). Coastal Management. https://doi.org/10.1080/10.1080/08920750600970578
20 Rutherford, R. J., Herbert, G. J. et Coffen-Smout, S. S. Integrated Ocean management and the collaborative planning process: the Eastern Scotian Shelf Integrated Management (ESSIM) Initiative. (2005). Marine policy. https://doi.org/10.1016/j.marpol.2004.02.004
21 Flannery, W. et Ó Cinnéide, M. Deriving lessons relating to marine spatial planning from Canada’s eastern Scotian shelf integrated management initiative. (2012). Journal of Environmental Policy & Planning.
22 Plate-forme Néo-Écossaise, côte Atlantique et baie de Fundy. (2018). Gouvernement du Canada.
23 Ministère des Pêches et Océans. Plan régional pour les océans – plate-forme Néo-Écossaise, côte Atlantique, baie de Fundy – Contexte et description du programme. (2019). Gouvernement du Canada.
24 Transports Canada. Résultats du Plan de protection des océans du Canada – côte est. (2021). Gouvernement du Canada.
25 Diggon, S., Bones, J., Short, C. J., Smith, J. L., Dickinson, M., Wozniak, K., Topelko, K. et Pawluk, K. A. The Marine Plan Partnership for the North Pacific Coast – MaPP: A collaborative and co-led marine planning process in British Columbia. (2020). Marine Policy. https://doi.org/10.1016/j.marpol.2020.104065
26 Plan de gestion intégrée de l’océan pour la zone de la côte nord du pacifique. (2017). Gouvernement du Canada.
27 Partenariat de la mer de Beaufort. Plan de gestion intégrée des océans pour la mer de Beaufort après 2009 (en anglais). (2009). Beaufort Sea Planning Office.
28 Pêches et Océans Canada. Couloirs de navigation à faible impact dans le Nord. (2021). Gouvernement du Canada.

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